Lutte contre le financement de la traite des êtres humains : les acteurs publics au défi de l’efficacité (2/4)
Cartographier les risques
Premier enjeu central : l’identification des risques croisés entre blanchiment d’argent, financement du terrorisme et traite des êtres humains. Le problème est complexe car la traite est recouvre une multitude de réalités : prostitution et autres formes d’exploitation sexuelle, travail forcé, exploitation de la mendicité, trafic d’organes… Identifier les risques implique donc de bien connaître le fonctionnement des réseaux de traite. Ceux-ci impliquent tout un faisceau d’acteurs, et ce d’autant plus lorsqu’elle est transnationale. Par exemple, en Afrique de l’Ouest, les travaux du GIABA présentés par Mariame Ibrahim Touré Diagne soulignent l’implication non seulement de groupes de criminalité organisée, mais aussi du secteur privé (bureaux de change, systèmes hawala, salons de massage…), et même de structures sanitaires délivrant de faux certificats médicaux et de certaines structures diplomatiques. Une bonne cartographie est donc essentielle pour concentrer les interventions dans les secteurs ou les zones géographiques où les risques sont les plus élevés. Mais, pour être utile, elle doit être doublée de ressources à la fois financières, humaines et techniques.
De l'argent, des gens et des outils
Dans les pays d’Afrique et du Moyen-Orient présents à l’atelier, le cadre institutionnel en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est souvent posé. Cependant, si se doter d’une cellule de renseignement financier (CRF) est une première étape capitale, elle ne suffit pas. Chargées de collecter de l’information financière et de la transformer en preuve pour alimenter les enquêtes, ces cellules spécialisées doivent avoir les moyens, à la fois financiers, humains et techniques de mettre en œuvre les recommandations internationales dans le domaine de la lutte contre le blachiment d'argent et le financement du terrorisme (LBC/FT). Pour être efficaces, leur travail doit notamment pouvoir s’appuyer sur des enquêteurs formés à l’analyse financière, capables de transformer le renseignement en preuve judiciaire. Une enquête financière bien menée permet en effet de rassembler des éléments qui permettent au juge de condamner les individus impliqués mais également de faciliter le recouvrement des avoirs.
Grâce à du renforcement de capacité institutionnelles, des formations et de la sensibilisation, l’un des enjeux de l’assistance technique est donc d’accompagner l’opérationnalisation des mécanismes en place afin de leur permettre de jouer pleinement leur rôle.
Etre agile et créatif
Par ailleurs, la réponse des acteurs publics doit pouvoir s’adapter aux difficultés rencontrées sur un terrain mouvant. L’arrestation et la condamnation des individus impliqués dans la traite d’êtres humains est toujours l’option préférable. Mais les groupes criminels et terrorise évoluent vite et trouvent de nouveaux moyens pour gérer leurs transactions en contournant les réglementations en vigueur – par exemple via l’utilisation des réseaux sociaux, des crypto-monnaies (comme le Bitcoin), de crédits téléphoniques monétisés ou du financement participatif (crowdfunding). Les acteurs publics doivent trouver des moyens innovants pour interrompre les transactions financières illicites. L’idée clé est alors d’utiliser les lois du pays mais aussi de coopérer avec les autres acteurs – tant publics que privés – pour trouver des techniques de perturber les activités des groupes criminels, a expliqué Jessica Davis, consultante à Insight Threat Intelligence.