La gouvernance des ports, un thème clé de la sécurité et de la sûreté portuaires

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Afrique subsaharienne
Lancé en janvier 2019, WeCAPS, projet de l’Union européenne mis en œuvre par Expertise France, vise à aider les pays partenaires d’Afrique de l’Ouest et centrale à faire face aux vulnérabilités croissantes liées à la sécurité de leurs ports. Le projet a trois objectifs : renforcer le respect des normes du Code international pour la sureté des navires et des installations portuaires (ISPS) ; soutenir la gouvernance portuaire ; appuyer la sécurité civile et les actions de prévention, gestion des risques, manipulation et stockage de matières dangereuses. Nico Vertongen, directeur ad interim et l’un des experts de l’équipe, nous en dit plus sur le volet « Gouvernance portuaire » de WeCAPS. Il répond aux questions de Marion Piccio, l’experte communication du projet.

Nico Vertongen travaille dans le milieu portuaire depuis 2002, quand il a rejoint l’autorité portuaire d’Anvers, en Belgique. À la création de Port of Antwerp International (PAI) en 2010, il a été nommé directeur Afrique. Dans ce cadre, il a effectué de nombreuses visites dans les ports de la sous-région ouest-africaine, ce qui lui a permis d’acquérir une grande connaissance des particularités des ports africains. En 2019, il a été recruté comme expert gouvernance portuaire pour le projet WeCAPS.

L’augmentation du trafic maritime en Afrique de l’Ouest et du Centre est désormais notable et les signes se multiplient d’une dynamique porteuse d’échanges croissants avec le reste du monde. Pourquoi le développement de ses infrastructures portuaires est-il si important pour le continent africain, mais également pour l’Union européenne ?

Nico Vertongen – Il est pertinent que les pays africains disposent d’une infrastructure portuaire moderne et adaptée aux nécessités du transport maritime international car c’est, dans la plupart des cas, la seule porte d’entrée et de sortie pour les pays concernés et encore plus pour les pays enclavés. C’est également important pour l’Union européenne car l’Europe est le premier partenaire économique de l’Afrique. Les acteurs européens sont très actifs sur ce marché comme opérateurs portuaires dans la plupart des ports ou comme lignes maritimes.

Cette place centrale occupée par les ports dans les échanges économiques fait qu’il est essentiel de renforcer la gouvernance portuaire – c’est-à-dire la capacité des pays partenaires à gérer leurs ports sur les thèmes clés de la sûreté et la sécurité portuaires (renforcement du cadre légal, organisation du modèle portuaire, développement des partenariats public-privé (PPP), échange d’expériences avec les ports de la sous-région et en Europe).

 

La modernisation des infrastructures portuaires et le passage à l’ère de la conteneurisation ont été amorcés depuis plus de 10 ans en Afrique, qui se doit maintenant de structurer les différents modes de gestion de ses différentes zones portuaires. Comment donc le projet WeCAPS compte-t-il accompagner les pays partenaires du projet à améliorer leur gouvernance portuaire et avec quels objectifs ?

Nico Vertongen – Depuis le début des années 2000, les ports africains ont connu de grands changements. Avant cela, les ports étaient gérés par l’État ou par une entreprise étatique ; petit à petit, les structures de tutelle se sont adaptées et se sont modernisées. Les autorités portuaires sont apparues, les ports autonomes ont été créés et les premiers partenariats avec les partenaires au développement et le secteur privé ont vu le jour. Cette évolution s’est traduite par des contrats de concession avec des opérateurs privés pour les terminaux à conteneurs mais aussi pour les terminaux vraquiers, et vrac liquide.

Le projet WeCAPS, qui s’oriente vers la sécurité et la sûreté, donne une place importante à la gouvernance portuaire : il accompagne les ports pour qu’ils améliorent la gestion de ces deux volets. C’est une tâche commune entre le secteur public et le secteur privé et donc c’est pour cela que nous appuyons également les partenaires du port, les partenaires privés, les partenaires publics, comme les sapeurs-pompiers et certaines administrations par exemple. Nous voulons nous positionner de manière à accompagner les ports autonomes, les structures de tutelle et les autorités portuaires.

 

Justement les ports d’Afrique de l’Ouest et du Centre se sont transformés et comprennent désormais une grande multiplicité d’acteurs publics et privés locaux (armateurs, agents maritimes, manutentionnaires et transitaires…) mais également internationaux. Est-ce que le projet WeCAPS a également pour but de faciliter la coopération de ces acteurs et la convergence de leurs intérêts ?

Nico Vertongen – Oui tout à fait, c’est lié à la question précédente et au développement des PPP qui est prévu dans le projet WeCAPS. Nous avons d’ailleurs recruté un expert pour développer ces fameux PPP afin qu’il identifie quels seraient les intérêts, les « winwin » pour les ports de travailler avec des partenaires publics, avec les bailleurs de fonds si possible, et avec les partenaires privés. Effectivement sur la plateforme portuaire il y a plusieurs intervenants, plusieurs interlocuteurs au niveau local mais aussi au niveau international, et nous essayons par le développement des PPP d’utiliser le projet comme un levier pour réaliser des investissements qui ne sont pas prévus par WeCAPS. En effet ce dernier, il faut le souligner, est un projet d’accompagnement, qui propose de l’assistance technique, des formations, mais il ne s’agit pas d’un projet d’investissements. Grâce au développement des PPP nous espérons pouvoir accompagner les ports et leurs clients locaux et internationaux afin de pouvoir aller de l’avant et faire plus que WeCAPS en soi ne pourrait réaliser.

 

L’attractivité d’un port peut s’évaluer notamment à terre. Un port doit pourvoir à l’une de ses fonctions primordiales qui est de redistribuer les biens importés vers l’arrière-pays mais également les pays non côtiers. Pourquoi est-ce si important et comment WeCAPS interviendra-t-il pour que les infrastructures routières et ferroviaires d’Afrique de l’Ouest et du Centre permettent à ce transit de se faire dans de bonnes conditions ?

Nico Vertongen – Oui c’est important ! Encore une fois le projet WeCAPS est un projet axé sur la sécurité et la sûreté portuaires avec un volet accompagnant la gouvernance, mais les relations avec l’arrière-pays sont des points forts et cruciaux de la plupart des ports que le projet accompagne. WeCAPS a prévu un volet « corridors de transport vers l’arrière-pays », nous devons d’ailleurs recruter prochainement un expert qui fera une évaluation des corridors principaux. Cette évaluation nous apportera des éléments concrets et nous permettra également de savoir quelles actions mener ou améliorer. Pas d’actions prévues pour le ferroviaire, en revanche nous allons nous intéresser à l’infrastructure routière et aux problèmes, aux obstacles, que le port, que les clients du port, ont pour accéder aux marchés de l’hinterland, non seulement pour les importations mais aussi pour les exportations bien sûr, cela va dans les deux sens. C’est l’un des points importants de la concurrence entre les ports de la sous-région.

 

L’Afrique progresse dans la voie des réformes portuaires et de facilitation des échanges ; elle a aussi rattrapé son retard sur les autres continents en matière d’investissements portuaires. Alors selon vous, quels sont donc les trois défis les plus importants à résoudre dans le secteur portuaire ouest et central africain d'ici 2022 et quels devraient être les objectifs des différents systèmes portuaires ?

Nico Vertongen – Premièrement la relation entre la ville et le port. Les villes et les ports en Afrique sont souvent obligés de vivre ensemble ce qui peut être source de nombreux conflits entre les deux : au niveau de la qualité de la vie des populations, mais également au niveau de leur sûreté et de leur sécurité. De même sous la poussée de l’exode rural les villes grandissent et mettent la pression sur les ports. Dans la tutelle des ports les villes ne sont pas toujours représentées donc là aussi c’est une source de tension. Comment les ports vont se sortir de la ville, comment vont-ils se développer en dehors de la ville, ou comment vont-ils gérer cette relation, avec tous les aspects négatifs qu’elle engendre comme les embouteillages, la circulation difficile, le challenge écologique pour les ports et donc pour les villes. Je crois que c’est un aspect très important pour les ports africains, et d’ailleurs pour tous les ports du monde : comment assurer ensemble un avenir durable tout en respectant les besoins, les souhaits de la ville et de la population et les intérêts des ports. 

Deuxièmement, un point un peu plus technique, c’est l’avenir des terminaux conventionnels, les terminaux non conteneurisés, non vraquiers, où l’on traite les marchandises diverses. Dans la plupart des ports les terminaux conventionnels sont restés entre les mains de l’autorité portuaire ou de l’État et n’ont pas connu le même développement que les autres terminaux. Cela a produit un monde à deux vitesses : d’un côté les opérateurs privés qui ont développé leurs projets en PPP avec l’État et de l’autre un lieu où l’on continue de travailler comme on le faisait il y a 25 ans. D’où l’existence d’une tension sur le développement des ports avec deux réalités différentes. Dans les années à venir le choix devrait se porter vers la privatisation des concessions, vers des partenariats avec des entreprises privées ; au niveau de l’État il faut trouver des solutions pour augmenter la performance, la sûreté et la sécurité de ces terminaux.

Troisièmement la question de l’emploi des jeunes, la pression démographique dont nous parlions précédemment. Les ports sont souvent les principaux employeurs du pays, alors comment la communauté portuaire dans sa totalité pourrait faire en sorte que plus de jeunes y trouvent un emploi (car l’offre est encore aujourd’hui inférieure à la demande) ? Comment trouver des solutions, créer plus d’emplois, plus de formation pour tous ces jeunes qui regardent vers le port avec intérêt car il représente un attrait économique indéniable pour le pays et pour leur avenir ?

 

Enfin une question d’actualité, en Afrique de l’Ouest la vague du Covid-19 a sérieusement ébranlé les économies. Les trafics portuaires s’en ressentent. Les gouvernements d’Afrique de l’Ouest et du Centre comptent évidemment sur leurs ports pour maintenir les approvisionnements. Que propose le projet WeCAPS pour aider ces derniers à surmonter cette crise ?

Nico Vertongen – WeCAPS a proposé aux ports partenaires du projet – en concertation avec les délégations de l’Union européenne (DUE) concernées et Expertise France – de les accompagner pour faire face à cette situation de crise en lançant une triple action. Il a mis à leur disposition, un outil de partage de connaissances et d’enseignement à distance, concernant le risque biologique, avec un accent porté sur le coronavirus, qui doit permettre aux acteurs portuaires d’avoir de bonnes connaissances de base sur la maladie, ses modes de propagation et les moyens à mettre en œuvre pour s’en protéger. Le projet a également fait parvenir un guide de bonnes pratiques, au profit des autorités des ports partenaires et des personnels primo-intervenants, qui leur permettra de poursuivre leurs activités et d’assurer des missions de sûreté et sécurité tout en respectant les gestes « barrière ». Enfin WeCAPS prévoit l'acquisition d’équipements de protection et du matériel de désinfection. Afin de soutenir les marchés d’approvisionnement locaux, le projet a décidé de privilégier l’achat du matériel sur place, appuyé, pour ce faire, par la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) française, partenaire du projet, et les DUE qui ont dressé la liste des besoins des ports partenaires et référencé les fournisseurs. Le matériel devrait être livré au plus vite.

 

À lire aussi : Le projet WeCAPS aux côtés des ports d’Afrique de l’Ouest et du Centre pour faire face à la crise Covid-19

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