L'Union européenne à la pointe des efforts de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

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Créée en 2017 grâce à un financement de l'Instrument contribuant à la stabilité et à la paix (IcSCP) de l'Union européenne, la Facilité globale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) a surmonté les défis de la Covid-19 avec une réponse rapide et innovante. Au cours de l’année 2020, le projet a organisé plus de 38 formations, atteignant le nombre record de 842 participants. La Facilité globale s’impose donc ainsi comme une entité pionnière dans le domaine de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Lancée en tant qu'outil opérationnel de la Commission européenne pour fournir aux pays tiers un soutien axé sur la demande et fondé sur les lacunes de leurs régimes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LBC-FT), la Facilité globale de l’Union européenne est une entité d'assistance technique unique dans ce domaine, tant par son champ d'action thématique que par sa portée géographique.

« Nous apportons une approche véritablement nouvelle sur le terrain en mettant en œuvre des activités partout dans le monde. Bien que nous agissions au nom de l'Union européenne pour soutenir les juridictions identifiées comme “à haut risque" sur la base des normes de l'UE et du Groupe d'action financière (GAFI) [1], notre champ d'action est mondial. Cela diffère de la plupart des projets existants, qui ont tendance à se concentrer sur une région spécifique », explique le chef d'équipe de la facilité, David Hotte, qui a plus de 25 ans d'expérience dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Covid-19 : une réponse à la pointe de la technologie

En mars 2020, la Facilité globale était sur le point d'étendre ses activités d'assistance technique à diverses régions du monde lorsque la pandémie du coronavirus est apparue. Contraint d'annuler toutes ses missions programmées sur le terrain, le projet a rapidement réorganisé son approche de travail en élaborant un catalogue de formation en ligne composé de plus de 110 modules en un temps record.

Cet e-catalogue unique, qui couvre tous les aspects de la prévention, des enquêtes et de la chaîne pénale en matière de LBC/FT, ainsi que les questions liées aux organisations de la société civile et aux médias, a été lancé peu après, sur l'une des premières plateformes de formation en ligne actives pendant la pandémie.

« Ce fut l'une des réponses les plus rapides et les plus efficaces dans le domaine de la formation en ligne », explique David Hotte, qui l'attribue au « travail assidu de notre équipe d'experts basée à Bruxelles, soutenue par plus de 50 experts dans le monde entier ».

Nick Shah, expert en enquêtes pénales et renforcement des capacités policières travaillant comme consultant mentor et coordinateur au nom de la Facilité globale, se remémore « l’incertitude initiale quant à l’impact de ces formations en ligne ».
 

 La formation en ligne a immédiatement porté ses fruits


« Mais la formation en ligne a immédiatement porté ses fruits. Nous avons commencé avec un seul pays, puis les sessions de renforcement des capacités en ligne se sont rapidement étendues à de nombreux autres, avec une évaluation extrêmement positive de la part des participants. »

Le e-catalogue, initialement produit en réponse à la crise de la Covid, est devenu un élément central du projet, et continuera à être mis en œuvre lorsque les missions sur le terrain reprendront.

Parallèlement à la formation en ligne, le projet a également envoyé deux de ses experts à l’Ile Maurice pour une mission pilote en août 2020, devenant ainsi l'un des premiers projets financés par l'UE à reprendre ses activités sur le terrain pendant la Covid-19.

« Nous avons réussi à fournir une assistance technique à diverses régions du monde, alors que la plupart des pays étaient encore quasiment au point mort », se souvient David Hotte, soulignant que « cela témoigne de la flexibilité, proactivité et résilience du projet ».

La mission d'assistance technique, qui faisait suite à une mission de cadrage en trois phases menée entre septembre 2019 et février 2020, visait à aider les autorités mauriciennes à renforcer leur régime de LBC/FT [2]. Elle a consisté en un mentorat des forces de police de l’Ile Maurice, suivi d'un soutien au renforcement des capacités de LBC/FT de l'organisme de régulation des jeux, ainsi que des activités visant à accroître la transparence des autorités et la propriété effective des personnes morales et des constructions juridiques.

La réponse proactive du projet à la pandémie a été officiellement reconnue par la Commission européenne, qui a augmenté le budget total de la Facilité globale de 16,2 à 20,2 millions d’euros et l’a prolongé jusqu'en juin 2023 (au lieu de la date initiale de septembre 2021).

Relier les maillons de la chaîne

Ayant pour devise « la force d'une chaîne se mesure à son maillon le plus faible », le travail de la Facilité globale s’articule autour de trois axes clés : pilier réglementaire et prévention, pilier investigation et poursuites pénales et pilier justice et société civile.
 

 La force d'une chaîne se mesure à son maillon le plus faible


Pour Arnaud Stien, l’expert clé en matière de réglementation et prévention, « s’attaquer à l’aspect réglementaire des régimes de LBC/FT est complexe mais crucial. Crucial car il couvre un grand nombre d'acteurs dans la chaîne du renseignement financier, qui doivent être capables de détecter et d’identifier les activités suspectes en jouant ce rôle de sentinelle et de catalyseur de l'information. »

Arnaud Stien, qui a plus de 15 ans d'expérience dans la LBC/FT comme superviseur bancaire senior, précédemment chef d'unité LBC/FT pour une institution financière nationale, reconnaît l'importance d’assurer « une détection qui est la garantie d’une enquête efficace ».

« Ce processus est complexe en raison de la diversité des acteurs : entités déclarantes, autorités de contrôle/régulation et cellules de renseignement financier. Notre rôle en tant que mécanisme d'assistance technique est de réunir tous ces acteurs pour qu’ils parlent un langage commun et coopèrent plus efficacement. Et nous le faisons à travers un vecteur commun essentiel : la méthodologie d'analyse des risques de LBC/FT. »

L’importance de cette coopération est également soulignée par l’ex-ambassadeur Mamuka Jgenti, expert clé en matière de justice et de société civile, qui compte plus de 25 ans d’expérience dans les institutions européennes, la législation liée à la LBC/FT et le domaine pénal.

Sur le rôle du pouvoir judiciaire dans le système de LBC/FT, Mamuka Jgenti souligne l'importance de cultiver un dialogue constant avec et entre tous les acteurs de la chaîne pénale. « Une chaîne n'est efficace que lorsque la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme aboutit devant un tribunal. Les mesures de LBC/FT ne peuvent être considérées comme efficaces qu’avec des poursuites et condamnations des criminels par la justice », explique-t-il.

Un pionnier dans le domaine

La Facilité globale a également suscité une large attention pour son approche pionnière du thème de la LBC/FT, en remettant sous les projecteurs certains sujets laissés de côté.

« Nous ouvrons de nouveaux horizons en abordant des sujets qui n’étaient pas très populaires dans l'approche traditionnelle, ainsi qu’en traitant les menaces émergentes liées aux derniers développements mondiaux », explique Tim Hanley, expert clé en enquêtes et poursuites pénales et ancien surintendant détective en chef qui a établi la toute première unité d’enquête sur le terrorisme du service de police d’Irlande du Nord.

L’approche innovante de la Facilité globale en matière de LBC/FT comprend notamment des formations thématiques sur les blood antiquities [3] liées aux pillages de guerre, la détection canine des espèces fiduciaires, les fraudes pharmaceutiques et le renseignement financier en milieu carcéral.
 

 L'argent est roi pour les terroristes


« Les terroristes et les groupes du crime organisé s'adaptent incroyablement rapidement aux techniques de détection et de répression : nous devons donc constamment revoir les schémas utilisés pour le BC/FT. C'est là que nos domaines d'expertise spécialisés entrent en jeu », déclare Tim Hanley.

« L'argent liquide est roi pour les terroristes. Nous voulons donc soutenir les régimes capables de retracer cet argent afin que ces groupes ne puissent pas opérer aussi facilement. »

En décembre 2020, la Facilité globale avait produit plus de 9 documents conceptuels et recommandations réglementaires sur des sujets spécialisés allant de la crypto-monnaie, à l’abus financier dans le secteur des organismes à but non lucratif (OBNL), en passant par la microfinance et la lutte judiciaire contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

« Ce sont des sujets qui intéressent de nombreux pays tiers, en particulier compte tenu du niveau de technicité que nous sommes en mesure de fournir », explique le coordinateur du projet Benjamin Bricheux, notant que les formations sur l’identification des bénéficiaires effectifs et sur la Recommandation 8 [4] ont été particulièrement demandées.

« La recommandation 8 sur les OBNL est l'une des recommandations du GAFI les plus difficiles à respecter » [5], explique Mamuka Jgenti, qui ajoute que « le projet (avec l'engagement actif de la Coalition mondiale des OBNL du GAFI) promeut un dialogue axé sur les résultats entre les acteurs étatiques et les OBNL pour mieux comprendre la recommandation et, par conséquent, assurer une meilleure conformité. »

Une approche novatrice

Entre mars et décembre 2020, la Facilité globale a dispensé plus de 38 formations régionales et nationales, atteignant quelques 842 participants.

Vingt-cinq missions de sensibilisation ont été menées dans des pays aussi divers que l'Égypte, les Philippines, la France, Bahreïn, le Kirghizistan, la Turquie, le Panama et l'Espagne, parmi beaucoup d’autres. Parallèlement, des réunions avec des institutions clés ont également été organisées au Bangladesh, au Kenya, à l’Ile Maurice, en Zambie, en Géorgie, en Jordanie, en République de Moldavie, au Bhoutan, en Mongolie et en Jamaïque.

« Ces chiffres sont absolument sans précédent », remarque Benjamin Bricheux, qui cite « des semaines avec plus de 6 modules de formation simultanés dans quatre pays différents ».

Mais ces chiffres impressionnants ne brossent pas un tableau complet, insiste-t-il, car l’aspect central du travail de la Facilité globale se trouve dans le dialogue et l’amélioration continue. « Nous n’essayons pas simplement de ‘cocher des cases’. Nous nous efforçons plutôt d’établir un partenariat mutuel, durable et de qualité avec les autorités des pays tiers, ce qui nous aide à mieux comprendre leurs besoins, leurs attentes et leurs objectifs spécifiques. »
 

 Nous investissons sur la capitalisation d'expérience


« En retour, nous investissons sur la capitalisation d’expérience qui consiste à proposer, aux experts préalablement formés dans un pays, de délivrer à leur tour des activités d’assistance technique à d’autres pays », ajoute-t-il.

Travaillant en étroite collaboration avec les principales institutions de LBC/FT, la Facilité globale veille également à ce que les principes de subsidiarité et de complémentarité de l'UE soient traduits en termes concrets. « Avant d'intervenir dans un pays, nous prenons en compte toute l'assistance technique déjà mise en œuvre par d'autres programmes, afin d'éviter les doubles emplois et d'adapter au mieux nos activités », note David Hotte.

Ayant dépassé tous ses objectifs initiaux pour l'année, la Facilité globale est en passe de devenir un centre d'excellence dans le domaine de la LBC/FT. Avec de nombreuses activités déjà prévues pour 2021, elle a prouvé que la flexibilité et la collaboration sont au cœur d'une équation LBC/FT réussie.

 

La Facilité globale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est gérée par le Service des instruments de politique étrangère (IPE) de la Commission européenne et mise en œuvre par Expertise France, en partenariat avec l'agence allemande de coopération internationale (GIZ) et l’agence de coopération étrangère de l’Irlande du Nord (Northern Ireland-Cooperation Overseas – NI-CO).

Cet article relève de la seule responsabilité de la Facilite Globale LBC/FT et ne reflète pas nécessairement les vues de l'Union européenne

En savoir plus sur la Facilité globale

[1] En vertu de l'article 9 de la directive (UE) 2015/849, la Commission européenne est chargée d'identifier les pays tiers à haut risque présentant des déficiences stratégiques dans leur régime de LBC/FT, selon une méthodologie révisée

[2] En mai 2020, le pays a été officiellement inscrit par la Commission européenne  sur la liste des pays tiers à haut risque en matière de LBC/FT.

[3] Les antiquités du sang ou blood antiquities sont les antiquités pillées par des groupes terroristes dans des musées nationaux, des sites historiques et des collections privées, notamment en période de troubles et de guerre civile

[4] La recommandation 8 du GAFI vise à garantir que les OBNL ne soient pas utilisés abusivement par des organisations terroristes (i) pour se faire passer pour des entités légitimes ; (ii) pour exploiter des entités légitimes comme canaux de financement du terrorisme, y compris pour échapper aux mesures de gel des avoirs ; (iii) pour dissimuler/obscurcir le détournement clandestin de fonds destinés à des fins légitimes, mais détournés à des fins terroristes

[5] A l’heure de la rédaction, seuls 5 États dans le monde étaient considérés comme ‘pleinement conformes à la recommandation’.

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