EUROsociAL+ engagé dans la lutte contre les violences de genre en Amérique latine et en Europe : 4 ans après, quel bilan ?

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Amériques
En réunissant des experts et des responsables des deux côtés de l’Atlantique, un webinaire organisé par le programme EUROsociAL+ a pu capitaliser sur les apprentissages de sa composante "Politiques d'égalité de genre" depuis son démarrage, et refléter les collaborations d’EUROsociAL+ avec des institutions homologues en Europe et en Amérique latine en matière de lutte contre les violences basées sur le genre et, plus généralement, de réduction des inégalités entre les femmes et les hommes.

En Europe, une femme sur deux est victime d’une forme de violence sexuelle. Une sur 20 a été violée. Une femme est assassinée toutes les deux heures en raison de son genre. De même, en Amérique latine et dans les Caraïbes, 64 % des enfants de moins de 15 ans, garçons comme filles, ont été victimes de violences. Et près de 3300 femmes ont été victimes de féminicides. C'est sur ces chiffres alarmants qu'Irène Horejs, de la direction générale des partenariats internationaux de la Commission européenne (INTPA), a ouvert le webinaire « Apprentissage et regards croisés entre l’Amérique latine et l’Europe dans la lutte contre les violences basées sur le genre » organisé par la composante Politiques d’égalité de genre d’EUROsociAL+, un programme financé par l’Union européenne.

Ce dialogue virtuel (disponible ici en français et en espagnol) constitue un recueil des actions phares d’EUROsociAL+ en matière de lutte pour l’élimination des violences à l’égard des femmes en Amérique latine et dans l’Union européenne. Il se tient à un moment propice qui précède le Forum Génération Égalité, parrainé par le Mexique et la France. Ce forum sous l’égide d’ONU Femmes sera la réunion internationale la plus importante de l’année 2021 sur les questions de genre.

Dans un contexte pandémique qui a conduit à une recrudescence des violences subies par les femmes, et quatre ans après le lancement de la troisième phase du programme EUROsociAL, quel bilan peut-on tirer des actions du programme ? A l’occasion de ce webinaire, des représentants européens et des experts latino-américains ont apporté leur éclairage.
 

EUROsociAL+ : un programme inclusif qui soutient des politiques de zéro tolérance pour les violences de genre

En ouverture, les intervenants ont tous insisté sur le fait que les violences à l’égard des femmes que ce fléau frappait tant l’Europe et l’Amérique latine. « Nous sommes dans un apprentissage mutuel » ont rappelé Radhia Oudjani, directrice du département Gouvernance, justice et droits humains d’Expertise France et Fabrice Mauriès, directeur adjoint des Amériques et des Caraïbes du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères.
 

Nous sommes en apprentissage mutuel


Fabrice Mauriès a également indiqué que le ministère travaille d’ores et déjà avec les gouvernements latino-américains pour réduire et éradiquer les violences à l’égard des femmes. Cet objectif a été érigé en grande cause nationale par le président de la République pour son quinquennat, et notamment la stratégie internationale pour l’égalité entre les hommes et les femmes.

Les intervenants ont aussi salué les efforts constants d’EUROsociAL+ qui a continué – face à la recrudescence des violences liées au genre dans le contexte de la Covid-19 – d’apporter une réponse efficace aux violences faites aux femmes en s’adaptant au besoin du terrain, aux demandes formulées par les pays latino-américains. En outre, EUROsociAL+ s’est également engagé à coordonner ses actions avec d’autres programmes de la Commission européenne tels qu'El PAcCTO ou EUROCLIMA+. A titre d’exemple, en Argentine, EUROsociAL+ et l’initiative Spolight ont soutenu conjointement l’élaboration et la mise en œuvre d’une enquête sur la prévalence et les violences basées sur le genre.

Pour clore cette première partie, Juan Manuel Santomé, directeur du programme EUROsociAL+, et Ana Pérez, coordinatrice du volet Politiques d'égalité de genre de ce même programme, ont affirmé que le soutien apporté aux pays d’Amérique latine (en termes de réponses aux demandes d’actions et de réformes) visant à éliminer la violence de genre représentaient près de 40 % du total des interventions réalisées par Expertise France à travers cette composante depuis 2016 : « Aujourd’hui plus que jamais, nous reconnaissons l’importance de co-construire avec nos collègues de meilleures politiques pour réduire les violences basées sur le genre et les inégalités entre les femmes et les hommes ». Comme l'indique l'Agenda 2030, ne laisser personne de côté est devenu un impératif.

La méthode EUROsociAL+ en voie de perfectionnement

Quatre experts d’EUROsociAL+ et Ana Sofia Fernandes, vice-présidente du Lobby européen des femmes, ont ensuite dressé un bilan afin d'évaluer l’efficacité de la méthode EUROsociAL+ ces dernières années, sur la base d'exemples d’accompagnements réussis et des résultats concrets dans la quasi-totalité des pays d’Amérique latine.

Verónica Aranda, docteure en sciences sociales et experte régionale du programme EUROsociAL+, a d’abord établi un état des lieux, soulignant que 18 pays d’Amérique latine ont érigé en infraction le féminicide et 13 pays de la zone disposent de lois globales sur la violence à l’égard des femmes. Elle a indiqué cependant que ces données sont peu encourageantes en raison du décalage entre d’une part, les progrès législatifs visant à l’élimination de la violence basée sur le genre, et, d'autre part, la non-mise en œuvre de des dispositions prévues.

Françoise Roth – experte du programme EUROsociAL+, avocate internationale spécialisée dans les droits de l’homme et les questions de genre – a ajouté qu'EUROsociAL+ a activement contribué à réduire cet écart en soutenant des lois globales qui comprennent des mesures concrètes garantissant leur application, leur suivi et leur évaluation. Le programme a également participé à la mise en place de mécanismes d’évaluation des politiques publiques de réduction de la violence basée sur le genre.  L’experte a notamment mentionné l’action menée en Uruguay entre 2018 et 2020 au cours de laquelle la composante Politiques d'égalité de genre a contribué à renforcer la compétence du bureau du procureur général de ce pays en matière de sanction dans les affaires de féminicide.

Les deux expertes ont rappelé qu’au total, EUROsociAL+ a mené 114 actions au cours de cette période, dont 41 avaient pour objectif de lutter contre les violences de genre.

En outre, les actions menées par ce volet d'EUROsociAL+ contribuent non seulement au renforcement des capacités sur les questions liées aux féminicides, mais incluent également la question du travail de prévention avec les agresseurs masculins et celle des nouvelles masculinités, comme l’a souligné Heinrich Geldschläger, intervenant du webinaire en qualité d’expert d’EUROsociAL+ et directeur de recherche de l’association Conexus.

 

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Par ailleurs, EUROsociAL+ a fourni des conseils techniques en matière de production de données, de systèmes d’information, de statistiques sur la violence basée sur le genre ou d’enquêtes sur la protection et la prise en charge juridique et sociale des victimes. Selon Maité Albagly, ancienne secrétaire générale du Planning familial et experte EUROsociAL+, la clé du succès des actions du programme dépendra de leur capacité à continuer de promouvoir la coopération entre les gouvernements, le milieu académique et les associations de la société civile.

Enfin, lors de cette réunion virtuelle, Ana Sofia Fernandes, vice-présidente du Lobby européen des femmes, a déclaré, faisant suite aux commentaires de Verónica Aranda sur l’Amérique latine, qu’il y a également un décalage en Europe entre les cadres juridiques visant à prévenir et lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles (signature de la Convention d’Istanbul, 2017) et la lenteur voire la non-mise en œuvre de ces accords (non-adhésion de l’UE en 2020 à ladite convention). Ana Sofia Fernandes a également abordé deux questions étroitement liées à la violence basée sur le genre : la cyberviolence et la migration, puisque 30 % des femmes migrantes sans papiers ont été victimes de violence domestique au cours des 12 derniers mois en Europe. Selon elle, la crise actuelle est une occasion unique de reconstruire en se fondant sur l’égalité et l’inclusion, aussi bien en Europe qu’en Amérique latine.

Conclusions et perspectives

En réunissant des experts et des responsables des deux côtés de l’Atlantique, ce webinaire a réussi à capitaliser les apprentissages du volet Politiques d'égalité de genre depuis le lancement du programme et à refléter les collaborations d’EUROsociAL+ avec des institutions homologues en Europe et en Amérique latine en matière de lutte contre les violences basées sur le genre (réduction des inégalités entre les femmes et les hommes.

Les violences liées au genre précèdent la crise pandémique et sont la cause et la conséquence des inégalités entre les femmes et les hommes. Dans ce contexte, EUROsociAL+ s’est avéré être – au cours des quatre dernières années – un outil efficace de coopération birégionale dans la lutte contre ce phénomène systémique. Cette analyse sur le terrain a permis d’identifier de nouveaux défis à relever à l’avenir, tels que l’augmentation des féminicides, la nécessité de rendre visibles et de faire face aux nouvelles manifestations de la violence sur Internet, ainsi que la nécessité de continuer à travailler de manière coordonnée avec les pays de la région.

Cet événement centré sur le rôle du programme dans l’élimination de la violence basée sur le genre a également permis de rappeler une fois de plus que cette question constitue un problème global qui menace la santé publique, la sécurité des citoyens et l’autonomie physique, politique et économique des femmes. Comme le soulignent Fabrice Mauriès et Juan Manuel Santomé, « nous ne pouvons pas avoir de cohésion sociale en Amérique latine si la moitié de sa population ne peut pas jouir de la totalité de ses droits ». La stratégie de la Commission européenne en faveur de l’égalité hommes-femmes (2020-2025), la tenue du Forum Génération Égalité en 2021 et la proposition législative de l’UE visant à couvrir les formes spécifiques de violence à l’égard des femmes sont porteuses d’espoir.

 

EUROsociAL+ est un programme de coopération entre l’Union européenne et l’Amérique latine qui vise à réduire les inégalités, améliorer les niveaux de cohésion sociale et renforcer les institutions dans 18 pays latino-américains, en soutenant leurs processus de conception, réforme et mise en œuvre de politiques publiques, les actions du programme se concentrant principalement sur les domaines de l’égalité entre les sexes, la gouvernance et les politiques sociales. Financé par l'Union européenne, le programme EUROsociAL+ est mis en oeuvre par un consortium dirigé par la FIIAPP (Espagne), qui réunit Expertise France, l'Organisation internationale italo-latino-américaine (IILA) et le Secrétariat centraméricain pour l'intégration sociale (SISCA).

Suivre EUROsociAL+ sur Twitter : @eurosocial_

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