Après Ebola, renforcer le système de santé guinéen pour prévenir et maîtriser les épidémies

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Guinée
Entre 2014 et 2015, l’Afrique de l’Ouest a été touchée par l’épidémie de maladie à virus Ebola, qui a mis en lumière les lacunes des pays de la région en matière de gestion des crises épidémiologiques.

Médecin spécialisé en santé publique et ancien coordinateur national de la lutte contre Ebola, le Dr. Sakoba Keïta a présenté son analyse de la réponse à Ebola et des chantiers actuels de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS) guinéenne, qu’il dirige depuis sa création en juillet 2016.

Il était accompagné du Dr. Mbalou Diakhaby, conseillère chargée de mission et de coopération technique auprès du Ministre de la santé guinéen, qui a pu présenter les priorités de son ministère en matière de renforcement du système de santé guinéen.

Neutraliser l’épidémie

L’action de la communauté internationale a permis, dans l’urgence, de pallier les insuffisances du système de santé guinéen, tant sur le plan du financement que sur le plan logistique. La Guinée manquait à l’époque de moyens de transport – 8 ambulances pour l’ensemble du pays au début de l’épidémie, contre 150 au plus fort de la riposte – qui auraient permis de transporter rapidement les malades vers les centres de soins.

Le rôle de la communauté internationale a été déterminant pour répondre à la crise et développer un réseau de centres de soins. Le projet PREPARE (Projet de mise en place d’Equipes régionales d’alerte et de riposte aux épidémies), financé par la France et par l’Union européenne et mis en œuvre par Expertise France, a été un maillon essentiel du dispositif : il vise à renforcer les capacités de réponses aux épidémies de la Guinée, par la mise en place de 8 équipes régionales polyvalentes d’alerte et de riposte aux épidémies, les ERARE. Mais coordonner les différentes interventions des partenaires externes n’a pas toujours été chose facile, et c’est pour établir une cohérence que la Guinée avait mis en place une cellule nationale de coordination de la lutte contre Ebola en septembre 2014.

Le Dr. Sakoba Keïta a également exprimé un regret, celui de n’avoir pas immédiatement accordé suffisamment d’attention aux enjeux de communication autour de la maladie. Certains médias ont pu participer à la propagation de rumeurs, suscitant des paniques voire des scènes de violences. De même, en l’absence de vaccin spécifique contre Ebola, une communication inadaptée a pu laisser croire aux populations que la maladie ne pouvait être soignée : celles-ci se sont alors tournées vers les médecines traditionnelles, ce qui a été dommageable pour l’efficacité du système de riposte.

 

Pérenniser les acquis

Après avoir endigué l’épidémie d’Ebola avec l’appui de la communauté internationale, la Guinée a mis en place en 2016 une Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS) dépendant du ministère de la Santé, dont les missions sont en accord avec les standards fixés par le Règlement sanitaire international (RSI) entré en vigueur dans le cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les pays signataires se sont engagés à mettre en œuvre ces standards afin de développer et renforcer leurs capacités à « prévenir la propagation internationale des maladies, à s’en protéger, à la maîtriser et à y réagir » (art. 2 du RSI).

L’ANSS prend donc la suite de la cellule nationale de coordination de la lutte contre Ebola, mais sans se limiter à ce virus : elle vise à développer un système de prise en charge et de surveillance des risques sanitaires dans leur ensemble, et de façon pérenne.

Car les délais de réponse sont encore trop longs et les centres de prise en charge (Cet-EPI – centre de traitement des épidémies) encore en nombre insuffisant – sur 39 centres prévus, 26 ont été construits. Le Dr. Keïta a notamment plaidé pour des actions en matière de formation du personnel médical, qu’il s’agisse de formation initiale ou de formation continue : si l’appui de la communauté médicale internationale a été capital, la priorité est maintenant de renforcer les équipes locales afin de favoriser l’autonomie de la Guinée en matière de sécurité sanitaire.

Miser sur la surveillance pour réduire les risques d’épidémie

De plus, face à la récurrence des épidémies en Guinée – méningite, rougeole, choléra… –, le Dr. Sakoba Keïta insiste aussi et surtout sur la nécessité de renforcer le système national de surveillance et d’alerte : afin d’éviter le déclenchement même des épidémies, il faut pouvoir collecter des données en amont afin de cartographier les risques pour agir préventivement. A cet égard, la mobilisation des communautés locales est déterminante, car elle peut permettre d’assurer une surveillance de l’ensemble du territoire (et notamment des zones frontalières) et de faire remonter des informations vers l’ANSS.

C’est pour répondre à tous ces défis que la coopération internationale s’avère être un élément clé, à la condition que les programmes soient définis en accord avec les besoins nationaux et locaux. Il s’agit tout d’abord de garantir un appui financier sur le long terme, alors que de nombreux partenaires se désengagent une fois la crise passée. Mais pas seulement : c’est également en matière de diffusion des bonnes pratiques que les échanges entre pays sont cruciaux. Des réunions au niveau de la CEDEAO ont été organisées, et le Mali a déjà pu profiter de l’expérience guinéenne.

La Guinée est le deuxième pays d’intervention d’Expertise France en Afrique subsaharienne avec une quinzaine de projets en cours en 2016. Expertise France joue un rôle majeur dans le contexte Ebola et post-Ebola, en contribuant de manière centrale au dispositif français de riposte à l’épidémie.

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