Au Soudan, relier la communauté à la classe pour lutter contre l’abandon scolaire

print

Soudan

Au Soudan, Expertise France et le CIEP mettent en œuvre le volet « Formation initiale » du programme EQUIP (Education Quality Improvement Programme), financé par l’Union européenne. Le but du projet : améliorer la qualité de l’enseignement primaire dans 16 facultés d’éducation pour, in fine, lutter contre le décrochage scolaire. Isabelle Grappe, sociolinguiste et experte pour Expertise France, participe à une étude de terrain qui vise à identifier les besoins en matière de formation des enseignants.

Pourquoi le programme EQUIP a-t-il été mis en place ?

EQUIP vise à améliorer la qualité de l’enseignement primaire au Soudan. Ce focus sur le primaire vient du constat que l’abandon scolaire des jeunes est important, notamment en région, et que cela nuit à terme au développement économique et social du pays.

Face à ce constat, le programme EQUIP prévoit d’agir sur deux axes. Le premier est celui de la formation des enseignants – avec un volet formation initiale (mis en œuvre par Expertise France) et un volet formation continue (mis en œuvre par le British Council). L’idée est de revoir le parcours de formation des enseignants afin qu’ils sachent adapter leur enseignement aux contraintes et aux publics locaux – et prévenir ainsi l’abandon scolaire. L’Unicef et Save the Children travaillent quant à eux sur l’environnement scolaire. L’objectif est de faciliter l’intégration de la communauté dans le parcours scolaire (travail avec les associations de parents par exemple) et, inversement, favoriser l’intégration de l’école dans la vie de la communauté. Le ministère de l’Enseignement général soudanais coordonne le programme, avec l’appui de Sofreco.

Ce qui unit nos composantes, c’est que nous travaillons dans les mêmes Etats, avec les mêmes interlocuteurs et selon un calendrier et une méthodologie partagés. Nous sommes actuellement en phase d’analyse de besoins, avec une étude de terrain débutée au printemps 2018 et menée dans 7 Etats fédérés. Elle nous permet de récolter des données pour analyser le contexte et les besoins des enseignants – car les statistiques existantes sont essentiellement quantitatives et il y a peu d’études réalisées au niveau de l’enseignement supérieur.

Quelle est la méthodologie retenue pour l’étude de terrain ?

Nous avons distribué des questionnaires à 30 enseignants – 5 de chaque matière enseignée en primaire (arabe, anglais, histoire-géographie, mathématiques et sciences) – pour analyser le profil des enseignants, leur formation initiale et l’impact qu’elle a sur leur façon d’enseigner.

Sur les 15 universités concernées, nous avons choisi de faire 4 études de cas pour analyser plus en profondeur les besoins des enseignants et les profils des élèves, avec des entretiens avec 2 enseignants et 2 élèves-enseignants de chaque matière.

Nous avons complété cette démarche par des visites d’écoles – à la fois en ville et en milieu rural éloigné – où nous avons pu observer un(e) enseignant(e) diplômé(e) et un(e) autre non diplômé(e). Cela nous permet de comparer les méthodes d’enseignement et ce que la formation apporte.

C’est un projet qui est amené à évoluer en fonction des résultats de l’étude. Elle permettra de définir un programme de formation des enseignants qui ne cloisonne pas la salle de classe et la vie quotidienne de l’élève. Car l’originalité du programme EQUIP, c’est d’avoir une approche globale, de prendre en compte l’élève dans son environnement, à la fois scolaire et familial.

Que retenez-vous à ce stade ?

Les cours en classe sont très traditionnels : l’enseignant énonce la règle, les élèves répètent par cœur. Il serait intéressant de développer une pédagogie plus centrée sur l’élève.

En dehors de la classe, les élèves sont beaucoup plus impliqués. De nombreuses activités collectives sont organisées, notamment pour le vivre ensemble avec la valorisation des langues et cultures de chaque communauté (chants, danses…). Cela permet de minimiser les tensions intercommunautaires.

De plus, nous avons constaté un investissement très fort de la communauté dans l’enseignement. Les familles sont très présentes : certains pères amènent leurs enfants sur la route de l’école, qui se situe parfois très loin du domicile ; les mères cuisinent pour que les enfants aient un repas à midi ; des élèves plus grands viennent aider les plus petits ou ceux qui ont des difficultés.

Nous devons prendre en compte cette réalité dans les réponses pédagogiques que nous préconiserons. Plaquer un modèle étranger n’aurait aucun sens : il ne s’enracinerait pas. Il faut établir un parcours éducatif qui permette de relier la communauté à la classe, de prendre en compte les cultures (et leur diversité) dans l’apprentissage, et faire des ponts entre le cours et l’environnement quotidien. Par exemple, un cours sur l’électricité ne parle pas à des enfants qui vivent sous une tente sans électricité, alors que réutiliser des matériaux disponibles localement permet de ne pas être en décalage avec la réalité des élèves. C’est une force d’EQUIP d’avoir combiné au sein d’un même programme les aspects de formation des enseignants et la prise en compte de la communauté autour.

 

Une fois l’étude finalisée, des comités seront mis en place pour chaque matière et pour appuyer la conception d’un référentiel de compétence des enseignants. Ces comités réuniront des experts du CIEP et des experts soudanais. Les activités de formation prévues dans le volet « Formation initiale » pourront ensuite débuter.

 

En savoir plus

Sur le volet « Formation initiale »
Sur le programme EQUIP

Dernières publications