Palestine : Un projet unique qui peut servir d’exemple à toute la région MENA

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Palestine

Depuis janvier 2023, Expertise France met en œuvre un projet de soutien à l’industrie musicale palestinienne financé par l’AFD, en partenariat avec la SACEM et la société palestinienne Jafra Production. Ce projet a pour ambition d’appuyer la structuration et le développement de l’écosystème musical palestinien pour soutenir la création musicale, notamment de la jeunesse palestinienne. Il vise également à promouvoir, rendre accessible et crédibiliser le choix des carrières artistiques, tout en valorisant le patrimoine et l’identité palestinienne. Il cible notamment les jeunes, mais il soutient aussi l’inclusion sociale et économique des femmes, qui participent activement à la production musicale. A l’occasion de la « Palestine Music Conference » organisée à Ramallah les 20 et 21 septembre 2023, afin d’établir entre autre les bases d’un CMO (Collective Management Organization), Habib Achour, directeur du développement international de la SACEM et Samer Jaradat, CEO et fondateur de Jafra Production, reviennent sur les enjeux du projet.

Quelle expertise la SACEM peut-elle mettre à disposition du projet de soutien à l’industrie musicale palestinienne ?

Habib Achour : De plus en plus de pays viennent à nous pour améliorer leur cadre législatif, mieux rémunérer les créateurs de l’ensemble de la chaine de valeur de l’industrie musicale. Il y a une réelle prise de conscience politique, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, sur le poids économique et l’impact des industries culturelles et créatives. Il s’agit de considérer l’ensemble des acteurs de la culture, de les encourager, mais aussi de générer plus de revenus pour les pays concernés. Je pense notamment aux pays où ça bouge énormément en termes de créativité, comme au Nigéria ou en Côte d’Ivoire.

Nous réfléchissons depuis longtemps à un partenariat avec l’AFD, c’est notre premier accord de ce type, en partenariat avec Expertise France. La SACEM contribue à la performance du secteur des industries culturelles et créatives à travers le système de droit d’auteur, qui permet la rémunération des créateurs partout où c’est possible. Nous souhaitons soutenir un écosystème viable, qui permette de mieux rémunérer la création, mais aussi de valoriser l’exploitation des œuvres musicales.

 

 

Quel sont les enjeux de la rénovation du cadre légal relatif au droit d’auteur pour l’industrie musicale palestinienne ?

Habib Achour : Sur un plan purement législatif, il s’agit de modifier la loi sur les droits d’auteur pour la rendre praticable dans le contexte actuel. La loi palestinienne date du début du XXe siècle. Bien entendu, les grands principes y sont, notamment ceux issus de la convention de Berne de 1886 portant sur la protection des œuvres. Mais elle n’a pas été actualisée depuis : il faut y intégrer les bases contemporaines relatives aux droits d’auteur, notamment l’exploitation en ligne, le principe de proportionnalité dans la rémunération des créateurs, et les autorisations de diffusion des œuvres des créateurs dans l’espace public. Nous sommes-là pour apporter nos recommandations sur le cadre légal et proposer un plan d’action pour le développement d’un CMO

Samer Jaradat : Le projet va servir aussi à protéger les artistes, en leur permettant de collecter en toute légalité et en toute légitimité les royalties engendrées par leurs œuvres. Nous avons beaucoup d’ambitions et d’abord celle de jeter les bases d’une industrie vertueuse et durable.

 

 

Quel est l’impact attendu de ce projet de soutien à l’industrie musicale palestinienne ?

Samer Jaradat : Nous avons besoin d’un soutien très large pour développer les infrastructures et un écosystème  plus actif de l’industrie musicale palestinienne, pour favoriser la transmission des savoir-faire en matière de production artistique, pour bénéficier de données et de statistiques nécessaires au développement de notre industrie. Le projet financé par l’AFD et mis en œuvre par Expertise France et la SACEM va nous permettre d’associer toutes les connaissances dont nous avons besoin. Ce qui se passe ici en Palestine, à travers ce projet, est unique et peut servir d’exemple à toute la région.

Habib Achour : En deux ans, si nous arrivons à poser les principes de l’actualisation de la loi, et de structuration de la collecte de droits d’auteur, donc de protection des créateurs, nous aurons fait un grand pas.

 

Que va pouvoir apporter la « Palestine Music Conference » ?

Samer Jaradat : L’industrie musicale est vaste, elle concerne les milieux de la radio et de la télévision mais aussi les plateformes de streaming, les compagnies artistiques, etc. Avec la création du CMO, les différentes parties prenantes de l’industrie musicale vont pouvoir se saisir d’un espace d’échanges, développer des alliances artistiques et commerciales et partager une vision commune, indispensable, de ce vers quoi nous voulons aller. Durant la conférence qui aura lieu à Ramallah, les discussions vont tourner autour du cadre légal, de l’innovation digitale, de la communauté musicale et de la communication. Tout le monde sera présent, y compris les chercheurs, y compris les décideurs politiques, c’est une occasion unique.

Habib Achour : Il est indispensable d’avoir autour de la table toutes les parties concernées, y compris au niveau gouvernemental, notamment le ministère de la Culture qui a pour vocation de protéger et de promouvoir l’industrie musicale palestinienne. A travers cette conférence, nous souhaitons faire converger les parties prenantes vers un intérêt commun, pour pouvoir ensuite proposer un meilleur statut aux acteurs de l’industrie musicale dans son ensemble : les créateurs et éditeurs de musique, les labels, les agrégateurs de contenus, les lieux de production et de diffusion des artistes.

 

Quelles sont les forces de l’industrie musicale palestinienne ?

Habib Achour : Ce qui distingue l’industrie musicale palestinienne de celle du reste de la région MENA, c’est cette concentration hors normes de musiciens, écoutés partout dans le monde, notamment à travers la diaspora. Mais l’exploitation de leurs œuvres est pour l’instant sous-monétisée.

Samer Jaradat : Nous avons une culture musicale très riche, qui combine des influences méditerranéennes et arabes. Elle gagne à être davantage connue et nous pouvons élargir l’offre de  consommation musicale dans les années à venir. Nous possédons de nombreux talents, certains sont mondialement connus, comme le trio Joubran ou la DJ Sama’ Abdulhadi, et notre offre musicale est très diversifiée. Il y a quelques belles success stories mais elles restent très individuelles, nous avons besoin d’un soutien plus collectif aux artistes.

 

Quels sont les principaux freins au développement de l’industrie musicale palestinienne ?

Samer Jaradat : La situation politique instable dans laquelle nous sommes plongés ne favorise pas la commercialisation et la distribution des œuvres musicales, y compris à travers le digital. Elle limite aussi nos échanges avec la communauté musicale internationale. Cela dit, structurer légalement le secteur, professionnaliser ses acteurs, former les jeunes générations restent indispensable.

 

 

 

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