4 ans après Ebola : des dispositifs pour détecter, préparer et riposter contre les épidémies en Guinée

Le 23 mars 2014, l’OMS lance officiellement l’alerte concernant l’épidémie Ebola, l’une des crises sanitaires  parmi les plus complexes de l’histoire humanitaire récente. L'épidémie d'Ebola de 2014 a été 11 fois plus importante en termes de létalité que l'ensemble des flambées d'Ebola précédentes, avec 11 316 décès. Elle a eu comme particularité d’avoir mis à mal la confiance des populations dans leurs services de santé et d’avoir particulièrement touché les équipes médicales de chaque région touchée, enclenchant un cercle « vicieux » économique et social : une augmentation de 38% de la mortalité maternelle, infantile et juvénile liée à la désorganisation du système médical et un demi-milliard de dollars de pertes pour le PIB des 3 pays touchés (Guinée, Libéria, Sierra Leone).

Dans ce contexte, la réponse du gouvernement français, à travers la Task Force interministérielle Ebola (TFE), a aussi été inédite. Pour la première fois, l’Etat français propose une réponse globale à Ebola : du diagnostic au vaccin, en passant par le soin ou encore la gouvernance de cette crise. Pour la première fois, travaillent ensemble parmi d’autres : les ONG (MSF, ALIMA, Croix Rouge, WAHA etc.), l’INSERM, l’Institut Pasteur, la Fondation Mérieux, l’armée et les agences de coopération bilatérale, dont Expertise France.

Cette réponse sans précédent du gouvernement français a permis de profiler un schéma d’action efficace, prêt à être opérationnalisé en cas de nouvelle crise sanitaire. Dans ce schéma, Expertise France a travaillé sur trois actions majeures : détecter, préparer et riposter.  Son ambition : au-delà de la crise, et de la sécurité sanitaire internationale, renforcer durablement les systèmes de santé des pays.

Un plan d’action qui, tout en luttant contre la crise, a permis de mettre en place un renforcement pérenne des systèmes de santé et de contribuer à la sécurité sanitaire internationale

Si l’objectif initial des projets menés par Expertise France était d’apporter un soutien à la Guinée pour répondre rapidement et efficacement à l’épidémie, ils ont été conçus dès le départ pour engager un travail de fond sur le renforcement durable des capacités du système de santé guinéen, gage d’une sécurité sanitaire renforcée.

« La réponse à la crise d’Ebola menée par le gouvernement guinéen avec le concours d’Expertise France et ses partenaires a ceci d’original qu’elle a permis, à l’issue de la crise, de laisser à la Guinée un dispositif pérenne et réactif en cas de nouvelle épidémie. Aujourd’hui la Guinée est le seul pays de l’Afrique de l’Ouest à disposer d’une agence nationale de la sécurité sanitaire (ANSS). Il s’agit là clairement d’un modèle pérenne et duplicable. » explique Antoine Peigney, directeur du département Santé d’Expertise France.

Les projets mis en œuvre par Expertise France ont permis :

 • de renforcer le réseau guinéen de laboratoires (une centaine de laboratoires experts et laboratoires de biologie médicale évaluée) capables à terme d’assurer le diagnostic et la surveillance de pathogènes infectieux (projet LABNET), disposant de 500 professionnels formés ;

 • de consolider la prévention et le contrôle des infections en milieu de soins, y compris l’hygiène hospitalière (projet TWIN 2H), avec la mise en place d’un réseau de points focaux « hygiénistes » formés et en charge de la collecte des indicateurs qui renseigneront le système d’informations sanitaires national. Ces indicateurs sur la  qualité des soins, agrégés aux indicateurs sur l’utilisation des services (nombre de malades par service, jours d’hospitalisation, etc.), permettent aux directions hospitalières et aux directions régionales de la santé de disposer d’outils d’aide à la décision.

 • et d’appuyer la formation, l’équipement et le déploiement de 8 équipes régionales polyvalentes d'alerte et de riposte aux épidémies (ERARE) dans les 7 régions sanitaires du pays et dans la capitale, Conakry (projet PREPARE) : formation de 319 professionnels de santé - y compris des acteurs communautaires tels que la Croix-Rouge guinéenne - pour la réponse aux épidémies et de 207 membres des ERARE pour la riposte et la surveillance (avec à leur actif plus de 300 missions), construction ou réhabilitation de 9 sites, achat de 43 véhicules neufs et de 16 grandes tentes médicales.
 

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Une approche originale mixant formation technique, compagnonnage avec formation pratique in situ et approche psycho-anthropologique sur le « concernement »

Mais cette épidémie majeure a aussi mis en lumière une crise de confiance des populations  guinéennes dans leur système de santé déstabilisé par le nombre de morts parmi le personnel soignant, par la sur-mobilisation du système pour faire face à Ebola, en négligeant le fonctionnement en routine du système et aggravant l’offre de soins et de services de santé de base.

« Il a fallu, en Guinée, qu’Expertise France développe une approche originale à caractère psycho-anthropologique sur le concernement (déconstruction de son rapport individuel et collectif à l’hygiène afin d’initier des changements de comportement) pour identifier et déconstruire les fausses représentations sur l’hygiène hospitalière et les résistances qui y sont liées, afin de les lever et de faire, tout à la fois, émerger une prise de conscience et mobiliser les acteurs dans le domaine de la prévention et du contrôle des infections » a expliqué Sandra Perrot, responsable du pôle Interventions en santé d’Expertise France.
 

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La Guinée, un État disposant désormais d’un système de santé en capacité de gérer une crise épidémique

« Certes, les capacités de réponse restent très limitées au regard des standards français mais Ebola nous a finalement permis de mobiliser les acteurs, les sensibiliser aux enjeux du RSI (règlement sanitaire international de l’OMS), et d’insuffler une dynamique de construction et de renforcement des systèmes de santé. Points forts pour la Guinée : le pays dispose aujourd’hui d’une expérience éprouvée de la gestion de crise sanitaire d’ampleur. Conakry et les régions disposent désormais d’équipes de réponse à l’apparition de nouvelles épidémies. Une coordination a été construite : le système national de laboratoire est en mesure de réaliser 5 des 10 tests principaux, c’est une avancée conséquente. En ce moment, la réapparition de la fièvre de lassa et de la fièvre jaune mettent à l’épreuve les dispositifs, et avec succès, démontrant ainsi que ce qui a été mis en place est opérationnel. Après avoir accepté, en avril 2017, de réaliser une évaluation externe conjointe de l’application du RSI en Guinée, évaluation à laquelle Expertise France a participé, la Guinée vient juste d’organiser, avec l’appui de ses partenaires, un atelier de planification du plan d’action opérationnel de la Guinée sur l’application du RSI. L’implication de l’État guinéen reste donc entière et montre ainsi qu’il veut se donner les moyens de faire face à une nouvelle pandémie » a déclaré Antoine Peigney, directeur du département Santé d’Expertise France.

« Il ne faut toutefois pas considérer que la Guinée et ses pays voisins n’ont plus besoin de coopération technique internationale et l’édifice général reste fragile La coordination et la coopération interministérielle doivent être développées. Les instruments législatifs doivent accompagner cette avancée et donc être actualisés. Les mécanismes financiers sont aussi un enjeu clé pour mettre en place des outils adaptés avec notamment comme priorité une stratégie de développement du personnel de santé et le renforcement de l’offre de formation professionnelle. » ajoute Sandra Perrot, responsable du pôle Interventions en santé d’Expertise France.