Centrafrique : désenclaver les régions pour favoriser le retour des services publics et dynamiser l’économie
L’enclavement de la RCA, tant intérieur qu’extérieur, représente un frein important à la relance de l’économie du pays, lourdement touché par le conflit armé des années 2012-2013. Il est aussi un obstacle majeur au retour des services déconcentrés de l’Etat dans les régions et à l’amélioration de la situation sécuritaire.
Fluidifier les déplacements en RCA, un pays extrêmement étendu et faiblement peuplé, représente un enjeu clé dans sa stabilisation et son relèvement. Ce projet, d’une durée de 24 mois, est mis en œuvre par Expertise France. Il est financé par l’Union européenne sur le fonds Bêkou, pour un montant de 8,8 M€.
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Un projet de désenclavement pragmatique, qui a fait le choix d’équipements simples, et rapide à mettre en oeuvre
Le projet est né d’une volonté du Président de la République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra, qui a sollicité le Fonds Bêkou pour l’installation de ponts à divers points de franchissement du pays. L’Union européenne s’est alors tournée vers la France pour évaluer la faisabilité d’une telle initiative. La Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères a proposé, via le Centre national des ponts de secours, service dépendant du ministère français de la Transition écologique et solidaire, pour répondre au souhait des autorités centrafricaines de faciliter les déplacements dans le pays, de lui céder des ponts mobiles que possède l’Etat français.
Ces ponts, essentiellement des ponts métalliques de type « Bailey », sont particulièrement adaptés au contexte de la République centrafricaine car ils sont préfabriqués et portatifs. Conçus initialement pour un usage militaire, ils n'exigent ni outillage spécial ni équipement lourd pour leur construction. Ils ne nécessitent pas la construction d’importants ouvrages d’art et proposent une solution technique légère et rapide à mettre en oeuvre, tout en garantissant une longévité dans le temps.
La France s’est engagée, dans un premier temps, à fournir un minimum de 300 mètres de ponts. Cette cession a été formalisée à l’occasion d’un déplacement à Bangui, de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, le 2 novembre dernier. La quantité sera réévaluée en fonction des besoins des autorités de la RCA.
#RCA L’engagement de la France aux côtés des Centrafricains est ancien et concret. En présence du président Touadéra, je signe une aide budgétaire de 10M€, un projet @AFD_France de 12 M€ pour les déplacés et la cession de ponts métalliques pour favoriser le désenclavement. pic.twitter.com/UoP7ImnWrx
— Jean-Yves Le Drian (@JY_LeDrian) 3 novembre 2018
La mise en oeuvre du projet sera réalisée par Expertise France qui réalise actuellement un diagnostic afin d’identifier, en collaboration avec le gouvernement centrafricain, les lieux stratégiques où seront déployés les ponts. Leur répartition devra répondre à des impératifs complexes : couvrir l’ensemble du territoire, établir un équilibre entre l’est et l’ouest du pays, chacun connaissant des enjeux propres à la crise survenue en RCA. L’est connait une situation d’enclavement et de manque d’accès aux services de l’État tandis que l’ouest présente davantage de problèmes de cohésion intercommunautaire. Ils devront aussi répondre aux besoins considérés comme prioritaires pour les autorités centrafricaines et couvrir notamment les sites de PK9 et PK10, à Bangui, et dans la région de Damara.
Le projet de fourniture des ponts Bailey s’est inspiré de l’expérience tirée de l’installation de deux ponts sur des axes majeurs pour la circulation à Bangui. Le pont installé dans le 6ème arrondissement, à Sapeke, a été considéré par les autorités centrafricaines comme vital pour la circulation intérieure à l’arrondissement et celle entre Bangui et la Lobaye, pendant les 3 années qu’il a été mis en service.
Un projet qui doit contribuer à stabiliser la situation sécuritaire et à redynamiser l’économie centrafricaine
La crise humanitaire qui a touché la RCA entre 2012 et 2013, a conduit à une grave dégradation des conditions sécuritaires et humanitaires et à une désorganisation profonde de l’économie du pays. La dégradation sécuritaire liée à la crise n’a épargné aucun secteur : élevage (-55%), agriculture (-35,1%), services (-31,6%), industrie (-20,8%), sylviculture (-17%). Les transports routiers et aériens restent extrêmement dépendants de la sécurisation des sites sensibles par les forces internationales (aéroport, axe Bangui-Cameroun, stations-service). L’accès aux autres axes de transport reste aléatoire et très inégal, en proie aux coupeurs de route. Cette situation se traduit par un enclavement de la RCA, aussi bien intérieur qu’extérieur, qui hypothèque le relèvement du pays.
L’enclavement intérieur du pays est lié à l’insuffisance et au mauvais état des infrastructures, inégalement réparties, avec une période de praticabilité relativement courte liée à la longueur de la saison des pluies. Les bacs de franchissement, lorsqu’ils sont encore en bon état, n’ont pas une capacité en tonnage suffisante pour garantir la fluidité des axes pour les transports de marchandises. Par ailleurs, certains de ces bacs trop vétustes sont hors service ce qui contraint les transporteurs à emprunter des axes alternatifs, qui accentuent les délais d’acheminement. Cette situation est d’autant plus handicapante pour la RCA que le pays enregistre une faible densité de population (environ 7 habitants au km²) sur une superficie très vaste (623.000 km²).
L’enclavement extérieur du pays est lié à l’éloignement des ports maritimes. Le plus proche, Douala au Cameroun, est situé à près de 1.500 km de Bangui par voie routière. Cet enclavement est exacerbé par de nombreux contrôles administratifs qui jalonnent le parcours, d’où le renchérissement des coûts de transports, posant ainsi la problématique de la recherche d’un système de transport efficace. De plus, la République centrafricaine bénéficie de manière limitée des échanges commerciaux avec ses nombreux pays frontaliers.
Les flux commerciaux à l’ouest et au sud (RDC, République du Congo et Cameroun) sont en effet particulièrement dépendants des voies fluviales (Fleuves Oubangui et Congo) et terrestres, parfois difficilement praticables. D’autre part, l’absence d’infrastructures et de services adéquats mitigent fortement les échanges avec ses voisins au nord et à l’est (Tchad et Soudan).
Dans ces conditions, la construction de certains ponts sur des axes stratégiques devrait favoriser la libre circulation des personnes et des biens, contribuer à la relance économique (en facilitant les exportations, et l’acheminement de productions agricoles, dont une partie est actuellement perdue faute de voies d’acheminement vers les grandes villes ou du fait de coûts de transport trop élevés), favoriser le redéploiement des services déconcentrés de l’État (dont les fonctionnaires vont pouvoir circuler dans des zones où ils ne vont plus), mais aussi de renforcer la sécurité et la cohésion sociale au sein des territoires
(en reliant les communautés entre elles).
Le projet de dotation de ponts au gouvernement de RCA vient compléter plusieurs actions déjà en cours, notamment les projets sur financements Bêkou. C’est le cas notamment du programme de promotion de la cohésion sociale, du dialogue et de la réconciliation dans la société centrafricaine (18 M€). Son objectif est de renforcer les capacités locales et le dialogue à court et moyen termes dans les régions de Berberati et de Bria. Il s’appuie sur le redéploiement des autorités locales, le renforcement de la concertation, de la justice et des médias locaux, ainsi que la relance socioéconomique, dans une approche transversale et participative. Ce programme est partiellement mis en oeuvre par Expertise France via le projet Relèvement et Stabilisation.