Délits environnementaux : un enjeu fondamental dans la lutte contre le crime organisé et la défense de la biodiversité
Le 1er janvier 2021, le règlement (UE) 2017/821 sur les minéraux en provenance de zones de conflit entrera en vigueur, ce qui impliquera pour les sociétés d'extraction et d'exportation d'or, d'étain, de tungstène et de tantale de disposer d'un système de certification et de traçabilité des minéraux extraits afin de garantir qu'ils ne proviennent pas de zones de conflit ou que leur commerce ne puisse être utilisé pour financer le crime organisé et le terrorisme.
Cette initiative législative intervient après qu'une multitude de rapports d'organisations internationales et de la société civile ont mis l’accent sur la croissance exponentielle des délits environnementaux mais aussi sur les énormes avantages que ceux-ci procurent à la criminalité organisée dans son ensemble. Par exemple, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement et Interpol estimaient, en 2018, que les atteintes à l’environnement représentaient un chiffre d'affaires annuel compris entre 110 et 281 milliards de dollars, ce qui en fait la troisième activité illicite la plus rentable après le trafic de la drogue et la contrebande.
En effet, certains pays tels que la Colombie estiment qu'en 2019, l'extraction illicite d'or et de pierres précieuses, le trafic d'espèces protégées et le trafic de bois seront des activités plus lucratives que le trafic de drogue. Le Pérou calcule que chaque jour, une tonne d'or est extraite illégalement du sous-sol. Si l’on considère que le kilogramme d'or est vendu à 36 000 dollars et que, pour chaque gramme d'or extrait, entre 3 et 5 grammes de mercure sont utilisés pour séparer le quartz de l'or, il est possible d’avoir une idée des bénéfices considérables que cette activité rapporte aux grands groupes criminels mais aussi de l’effet environnemental dans les zones d’exploitation illégale.
De plus, l'impact de l'exploitation minière illégale ne peut se définir uniquement en termes de ressources naturelles, elle est aussi intrinsèquement liée à une multitude d'infractions connexes telles que la déforestation, le trafic d'espèces protégées, les enlèvements, le trafic d'êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle ou de travail, la corruption, le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale.
Le travail d'enquête de la police et du parquet
La mise au point de mécanismes efficaces d’échange d’informations et de renseignement entre pays, permettant de mener des enquêtes complexes, est la clé du renforcement de la lutte contre les atteintes à l’environnement. En outre, les enquêtes doivent inclure les aspects patrimoniaux et financiers. Par exemple, l’une des bonnes pratiques du Brésil en matière de lutte contre l’exploitation forestière illégale et le trafic de bois est l’identification et la localisation d’individus, de sociétés et d’entités financières qui fournissent et blanchissent de l’argent provenant de ces délits.
De ce point de vue, la constitution d'équipes multidisciplinaires spécialisées, composées de policiers, de procureurs et de spécialistes de la matière, est un outil que le programme EL PAcCTO, mais aussi le G7, promeuvent afin de lutter plus efficacement contre les délits environnementaux.
De même, il est très important de systématiser et de coordonner les équipes d’enquête avec des acteurs de la société civile, des experts privés, ainsi qu'avec les autorités en charge de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées (Convention CITES), afin d'identifier avec précision si le trafic de certaines espèces est légal ou illégal. En ce sens, tout commerce d'une espèce inscrite dans la Convention CITES est, par définition, illégal et implique l'ouverture de poursuites judiciaires.
La prévention : un élément de changement des mentalités
Bien que l'articulation de méthodes et de mécanismes d'enquête efficaces soit essentielle pour poursuivre pénalement le crime organisé et les atteintes à l’environnement, la prévention doit aussi constituer un élément central de toute politique publique intégrale en Amérique latine et dans l'Union européenne.
La responsabilité des délits environnementaux n’incombe pas seulement au pays d’origine, elle doit également relever des pays de transit et de destination des espèces et matières trafiquées. C'est pour cette raison que le développement d'actions de sensibilisation et de prévention à destination des citoyens, en particulier ceux disposant d'un fort pouvoir d'achat, est essentiel pour renforcer l’impact à long terme sur la lutte contre les atteintes à l'environnement et le changement climatique. En ce sens, l'expérience européenne en matière d'élaboration de pactes nationaux sur des questions spécifiques peut constituer une bonne pratique à échanger entre les deux régions.
Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que la région latino-américaine dispose, elle-même, d’expériences très positives en matière de prévention et de traitement des zones ayant subi des dommages environnementaux importants. Par conséquent, la promotion de la coopération intrarégionale dans le domaine de l'environnement doit constituer une importante priorité pour ces pays.
La coordination entre acteurs européens
La multitude d’acteurs qui contribuent activement aux programmes de protection de la nature, de lutte contre les atteintes à l’environnement, contre le changement climatique ou autres atteintes à l’environnement, rend nécessaire le développement de mécanismes de coordination. C'est pour cette raison que, depuis mars 2018, les programmes EUROCLIMA + et EL PAcCTO de l'Union européenne organisent des réunions régulières d'information et de coordination.
En outre, plusieurs délégations de l'UE en Amérique latine ont favorisé les échanges avec d'autres programmes, nationaux et mondiaux. Un bon exemple est celui du programme B4Life qui a participé à des conférences et activités organisées par EL PAcCTO dans la région, et avec lequel des actions spécifiques ont été proposées pour être développées conjointement.
Par conséquent, plus la coordination entre donateurs et acteurs en charge de la mise en œuvre de projets est étroite, plus durables serons les résultats sur la protection de la biodiversité et la lutte contre les atteintes à l'environnement en Amérique latine et dans l'Union européenne.
Dans le contexte actuel d’une augmentation préoccupante des délits environnementaux, la coopération, la coordination, le dialogue et les échanges sont des concepts clés. Au côté des acteurs d’Amérique Latine et de l’Union européenne, EL PAcCTO agit dans cette logique et s’engage à soutenir et faciliter toutes les initiatives allant dans ce sens, afin de garantir une lutte plus efficace contre cette nouvelle tendance du crime organisé.
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