La coopération statistique en exergue : entretien avec Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Insee
En quoi consiste l’assistance technique apportée par l’Insee à ses pays partenaires ?
Jean-Luc Tavernier – Une bonne statistique est un élément important pour le fonctionnement d’une démocratie. Il est donc essentiel, pour tous les pays, de disposer d’infrastructures statistiques solides. Dans cette optique, l’Insee contribue à renforcer les capacités des Etats à produire, analyser et diffuser des données fiables et à jour.
Il est essentiel, pour tous les pays, de disposer d'infrastructures statistiques solides
Pour cela, nous organisons chaque année de 120 à 150 activités de coopération : missions d’assistance technique réalisées dans les pays en développement ou en transition, visites d’études en France pour des collègues d’instituts de statistiques étrangers – une trentaine en 2019 –, ateliers d’échanges régionaux… Par exemple, nous co-organisons chaque année avec Afristat un séminaire à l’attention des statisticiens d’Afrique francophone. Je suis d’ailleurs intervenu en visioconférence à celui qui s’est déroulé en 2019 sur le thème de la gouvernance des systèmes statistiques nationaux.
Enfin, historiquement, l’Insee – et désormais le Genes, ou Groupe des écoles nationales d'économie et statistique – a développé un appui important en matière de formation des statisticiens. C’est le cas notamment avec l’appui apporté aux écoles africaines de statistiques, situées à Abidjan (Côte d’Ivoire), Cotonou (Bénin), Dakar (Sénégal) et Yaoundé (Cameroun) – en contribuant aux programmes de formation, mais aussi à travers l’accueil d’étudiants, l’attribution de bourses...
Dans quel cadre se déroulent ces activités de coopération ?
Jean-Luc Tavernier – Ces activités d’assistance technique peuvent avoir lieu dans le cadre de projets de coopération bilatérale, dont des jumelages institutionnels européens, mais aussi de plus en plus dans le cadre de projets de coopération régionale mis en œuvre en consortium. Nous collaborons avec Expertise France par exemple dans le cadre du Pan African Statistics Programme, un ambitieux programme financé par l’Union européenne qui vise à améliorer la production et la dissémination de statistiques de qualité en Afrique et qui accompagne la mise en place de STATAFRIC, l’institut panafricain de statistiques. Nous travaillons aussi ensemble dans les pays du voisinage Est de l’Union européenne, où nous mobilisons nos experts dans le cadre du programme STEP, après avoir participé au projet MEDSTAT IV, qui ciblait les pays du voisinage Sud.
En quoi est-il intéressant, pour les statisticiens de l’Insee, de participer à cette activité de coopération internationale ?
Jean-Luc Tavernier – L’activité d’assistance technique internationale de l’Insee participe à la politique d’aide française au développement et répond donc à un objectif de solidarité internationale. C’est aussi un enjeu de visibilité internationale de l’Insee et de la France.
Participer à une mission de coopération technique est très formateur
Pour les experts, participer à une mission de coopération technique est très formateur et très enrichissant professionnellement. Cela permet d’améliorer ses compétences pédagogiques, mais aussi de découvrir d’autres pratiques professionnelles et de réfléchir, en miroir, sur ses propres pratiques. Malgré le cadre budgétaire assez contraint dans lequel nous évoluons, j’insiste sur le fait que cela permet de développer le capital humain de nos collaborateurs, de développer leurs compétences.
Cela permet de créer des liens avec d'autres instituts nationaux de statistique
Et, plus encore, cela permet de créer des liens avec d’autres instituts nationaux de statistiques, en Europe comme dans le reste du monde, et de partager des bonnes pratiques. D’ailleurs, si l’on en juge par le nombre de sollicitations, cet appui est apprécié par nos partenaires, notamment dans certains domaines de prédilection de l’Insee comme la comptabilité nationale, mais également sur des sujets touchant la gouvernance des instituts nationaux de statistique ou la méthodologie (échantillonnage, correction des variations saisonnières, anonymisation de données…) qui sont importants pour garantir la qualité des données statistiques produites.
La crise de la Covid-19 a bouleversé le monde de la coopération. Quelles perspectives pour la coopération statistique dans ce contexte ?
Jean-Luc Tavernier – Notre programme d’activités 2020 a été fortement perturbé par la crise de la Covid-19, mais nous avons fait le maximum pour poursuivre nos activités à distance. Il s’est agi d’abord d’appuyer les initiatives lancées par les instituts nationaux de statistique (INS) de pays en développement et en transition pour assurer la continuité de leur production statistique dans la crise et le suivi de l’impact économique et social de cette crise. Ainsi, l’Insee co-organise avec Paris21 et Afristat, en partenariat avec la Commission économique pour l’Afrique, des webinaires en français sur des sujets en lien avec l’adaptation des INS à la crise de la Covid-19.
Assurer la continuité de la production statistique dans la crise
Il s’est agi également pour l’Insee de continuer à participer, sous forme d’appui à distance, aux projets européens gérés par Expertise France. Par exemple, dans le cadre du programme STEP, la formation sur les micro-données animée par l’Insee cet été s’est déroulée en ligne ; de même, notre participation à un atelier sur la coordination statistique, début juillet 2020, s’est faite à distance. Nos programmes de coopération bilatérale se sont poursuivis en adaptant les modalités d’organisation.
L'opportunité de revisiter nos modalités de coopération
Cette crise, d’une certaine façon, offre l’opportunité de revisiter nos modalités de coopération. On s’achemine ainsi vers le développement d’une sorte de « télé-coopération » permettant de toucher plus de monde – dont des publics non francophones.
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