Agnès Saal : « Proposer les savoir-faire français à des pays portant un projet culturel »
La culture est une notion vaste. Comment la définissez-vous ?
Agnès Saal – La culture, c’est avant tout ce qui donne du sens, ce qui fait lien, ce qui exprime des valeurs, à travers un patrimoine commun. C’est aussi une vision, une capacité à créer, à inventer, à imaginer.
Une vision très exhaustive, très intégrée et donc très inclusive du terme de « culture »
Dans la perspective des Rendez-vous de l’Expertise, nous souhaitons faire en sorte que les participants comprennent que nous avons l’ambition de traiter tous les aspects de la culture. Cela englobe sa dimension patrimoniale – les musées, les monuments historiques, l’archéologie, les archives, l’inventaire, l’architecture… – mais aussi, plus largement, tout ce qui relève de la création : le spectacle vivant (danse, musique, théâtre, arts de la rue…), le design, la mode, le cinéma et l’audiovisuel, l’édition, mais aussi le jeu vidéo ! Car, à partir du moment où elles sont à l’origine d’un acte de création, toutes les innovations technologiques peuvent intégrer le concept de culture. Nous portons une vision très exhaustive, très intégrée et donc finalement très inclusive du terme de « culture ».
Le Rendez-vous de l’Expertise s’intéressera aux liens entre culture, développement et stabilité. En quoi ces trois notions sont-elles liées ?
Agnès Saal – On sait à quel point le lien social peut, à certains moments de l’Histoire, être fragilisé, notamment pendant les périodes de crise – économique, sanitaire, sociale, politique... Et à ces moments-là, la culture apparaît comme un vecteur de générosité partagée, de vision commune, de tolérance et de dialogue avec l’Autre. Ainsi, les notions de développement et de stabilité se relient harmonieusement avec le concept de culture. D’une part, la stabilité suppose, sur un territoire donné, l’existence d’éléments qui rassemblent au lieu de diviser – et la culture en fait partie.
La culture est un élément essentiel du développement, social et démocratique mais aussi économique
D’autre part, la culture est, il ne faut pas l’oublier, un élément essentiel du développement, social et démocratique mais aussi économique : ce n’est pas juste un « supplément d’âme », elle est créatrice d’emplois et de valeur ajoutée dans le PIB d’un pays. Plus largement, elle est aussi intimement liée aux questions sociales, comme l’égalité femmes-hommes et la diversité, aux questions de développement durable et, finalement, à tout ce qui permet de « faire société ».
De plus en plus d’Etats, conscients de cette importance de la culture pour le développement, lancent des projets dans ce domaine. Sur quels sujets la France est-elle sollicitée pour les accompagner et en quoi l’expertise des acteurs français de la culture peut-elle leur être utile ?
Agnès Saal – La France est reconnue au niveau international comme une nation qui a, très tôt, misé sur la culture. Nous avons bien entendu un patrimoine historique très riche, facteur d’attractivité touristique important. Mais cela ne s’arrête pas là : la France a très vite placé la culture au premier plan des priorités politiques, ce qui nous a permis de développer une série de grands projets qui ont fait date (le Grand Louvre, la BnF, la Philharmonie, un riche réseau d’institutions culturelles décentralisées…) ainsi qu’une expertise pointue et concrète dans le domaine. Cet engagement s’est matérialisé dans quelques belles réussites d’envergure nationale, mais aussi internationale, comme le Louvre Abou Dhabi ou les antennes à l’étranger du Centre Pompidou.
Le Louvre Abou Dhabi · © Francisco Anzola (FlickR).
C’est à ce titre que nous sommes sollicités, souvent aux côtés d’Expertise France, pour accompagner des projets de développement culturel. Aujourd’hui, il s’agit de proposer les savoir-faire français à des pays portant un projet culturel, qu’il s’agisse de la création d’un nouveau lieu, d’un projet de médiation culturelle, d’une réforme de la gouvernance du secteur (organisation du ministère de la Culture au niveau central et au niveau déconcentré, réglementation, modèles de soutien à certaines industries culturelles, etc.). Les possibilités sont presque infinies ! Et, sur l’ensemble du territoire français, il existe des établissements publics, des opérateurs, des institutions culturelles qui disposent de savoir-faire reconnus, qui peuvent être mobilisés et valorisés au service des pays qui en font la demande.
Pour terminer, comment la mission « Expertise culturelle internationale », créée par le ministère de la Culture en octobre 2018 et que vous dirigez, contribue-t-elle à mobiliser et à promouvoir cette riche expertise culturelle française ?
Agnès Saal – L’idée initiale qui a présidé à la création de cette mission consiste dans la mise en place d’une interface entre l’offre et la demande d’expertise culturelle à l’international, indispensable pour accroître l’efficacité et la visibilité de notre action de valorisation. Une fois le besoin reçu et analysé, notamment pour en vérifier la viabilité financière, nous cherchons à identifier l’institution qui dispose de la compétence la plus adaptée et la plus opérationnelle. Un.e ou plusieurs expert.e.s sont ensuite mobilisé.e.s pour accompagner le partenaire sur le projet. C’est par exemple le cas en Ethiopie, où un architecte en chef des monuments historiques a réalisé une étude de faisabilité en vue de la restauration du Palais national d’Addis-Abeba, dont Versailles porte la définition du projet scientifique et culturel.
Nous jouons un rôle d'ensemblier pour la sphère culturelle, publique comme privée
Deux ans après la création de cette mission, le bilan est positif, avec une dizaine de chantiers en cours ou en projet. Nous sommes un lieu de réception des demandes et des besoins, qui nous sont remontés par différents acteurs de la coopération pour le développement – l’Agence française de développement, Expertise France, l’Union européenne… Nous jouons un rôle d’interface, de point d’entrée, de dialogue mais aussi d’ensemblier pour la sphère culturelle, publique comme privée, de façon à proposer l’offre la plus adéquate au regard des besoins des partenaires.
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