« Patrimoine 3ooo », un projet au service de la vision tunisienne du patrimoine culturel

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Tunisie
Depuis septembre 2019, l’Union européenne et Expertise France, en partenariat avec le ministère de la Culture français, accompagnent la Tunisie à travers le projet « Patrimoine 3ooo ». Travaillant notamment aux côtés du ministère des Affaires culturelles de Tunisie, une équipe multiculturelle s’est constituée pour accompagner la valorisation de sites patrimoniaux tunisiens, dont le site de Carthage.

Des peintures rupestres d’Aïn Khanfous à la cité punique de Carthage, en passant par les nombreux sites archéologiques romains, les médinas ou encore l’architecture des XIX-XXème siècles, la Tunisie possède un riche patrimoine culturel. « Le nom même du projet Patrimoine 3ooo a été choisi par les partenaires tunisiens, en référence à l’héritage culturel tunisien et au célèbre slogan « 3000 ans d’histoire de la Tunisie », explique Glibett, jeune agence d’illustration tunisienne qui a travaillé sur l’identité graphique de Patrimoine 3ooo. « Le logo cache aussi une autre signification : si on lit les zéros comme des points de suspension, alors le nom du projet peut être compris comme l’objectif d’ouverture vers l’avenir, le devoir de transmission aux générations futures… » précise Glibett. Une symbolique qui fait directement écho à l’ambition du ministère des Affaires culturelles de valoriser le patrimoine culturel national en tant que levier privilégié de développement économique et social
 

Le nom du projet peut être compris comme l'objectif d'ouverture vers l'avenir


Financé par l’Union européenne dans le cadre du programme Tounes Wijhetouna (« Tunisie : notre destination »), le projet Patrimoine 3ooo s’inscrit dans la dynamique culturelle, patrimoniale et touristique portée par les autorités tunisiennes. Il se compose ainsi de deux volets : la rénovation du musée de Carthage d'un côté ; la préservation et la valorisation du patrimoine bâti tunisien de l'autre.

Contribuer à la rénovation du musée de Carthage

Sur le site de Carthage classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979, l’équipe est chargée d’accompagner la réalisation des travaux de rénovation du musée, sous la maîtrise d’ouvrage du ministère des Affaires culturelles.
 


Ce projet constitue un réel défi aux niveaux technique, archéologique, scientifique ou encore environnemental. Ingénieurs, architectes, géomètres, archéologues et conservateurs se mobilisent en vue de préparer la phase de travaux et la muséographie. Les pré-études en cours comprennent, par exemple, la réalisation d’un relevé géomètre ou encore l’étude des pathologies du bâtiment. Des études d’impact social et environnemental viennent compléter la démarche en prenant en compte l’environnement du musée dans le projet de rénovation, notamment la vie économique qui existe aujourd’hui en marge du site.

 

Constituer une base de travail solide pour l'avenir... et donc éviter les suprises et les retards lors des travaux

Ces études préalables se poursuivront jusqu’à la mi-2021 et seront suivies d’une nouvelle phase d’études techniques et architecturales approfondies. Le début des travaux est estimé au milieu de l’année 2023. « Ces études de faisabilité sont extrêmement importantes », explique Emin Turki, architecte tunisien responsable technique du projet, « car cela permet de constituer une base de travail solide pour l’avenir… et donc d’éviter les surprises et les retards lors des travaux ».

Faire vivre le patrimoine

Au-delà des enjeux culturels, les enjeux économiques et juridiques sont tout aussi importants comme le révèle le travail réalisé sur la composante consacrée aux patrimoines bâtis. « Au départ, il était prévu de restaurer au moins quinze bâtiments remarquables. Deux questions se sont rapidement posées : quels bâtiments et, surtout, pour en faire quoi ensuite ? » indique Pauline Lecointe, cheffe du projet basée à Tunis, et Emin Turki de poursuivre : « Il est important de penser au-delà de la rénovation : cela permet non seulement d’assurer les coûts liés à l’entretien des bâtiments historiques, mais aussi de les faire vivre au sein du quartier dans lequel ils sont situés ».
 

Il est important de penser au-delà de la rénovation


L’équipe du projet travaille donc à répondre à ces enjeux via le développement d’un dispositif de concession culturelle et touristique dans des bâtiments d’intérêt historique avec notamment, l’Institut national du patrimoine et l’Instance générale du partenariat public privé. La concession, par sa nature publique-privée, permet à l’autorité publique de déléguer l’aménagement et l’exploitation du bâtiment à un partenaire privé dans un cadre juridique précis. Sélectionnée selon les règles de la commande publique tunisienne, la structure privée s’engage, pour une certaine durée, à développer une activité culturelle et touristique dans le bâtiment. « C’est un système gagnant-gagnant : les autorités publiques, qui manquent souvent de ressources financières pour rénover le patrimoine, s’assurent ainsi de sa préservation, sans pour autant en perdre la propriété ; l’opérateur privé, de son côté, trouve intérêt à investir dans un cadre juridique sécurisé », explique Fatma Chammari, architecte tunisienne spécialisée en restauration et réhabilitation architecturale et experte auprès du projet. Fatma Chammari évolue au sein d’une équipe composée d’une architecte spécialisée en développement local, d’une juriste et d’un économiste spécialistes des concessions. 
 

Il est important de définir un cadre qui corresponde à la fois aux ambitions et aux contraintes tunisiennes


L’assistance technique fournie par l’équipe du projet Patrimoine 3ooo vise, entre autres, l’élaboration d’un modèle de cahier des charges, d’un référentiel de calcul de redevance, d’un contrat-type ou encore d’un mécanisme de subventions pour la restauration des bâtiments. Autant d’outils à la disposition des propriétaires publics (collectivités locales, ministères, entreprises publiques), du secteur privé, et au service de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine. « Les attentes sont très fortes. C’est pour cela qu’il est important de définir un cadre qui corresponde à la fois aux ambitions et aux contraintes tunisiennes », explique Fatma Chammari.

Un projet porté par les Tunisiens, pour les Tunisiens

L’originalité du projet consiste à s’entourer d’experts tunisiens formés en Tunisie ou à l’étranger. « Nous cherchons, autant que faire se peut, à mobiliser les savoir-faire tunisiens, via des appels à candidature locaux », explique Clara Delmon, coordinatrice de l’unité culture & patrimoine à Expertise France. Cette approche a contribué à la mobilisation d’une équipe multiculturelle et d’une équipe d’experts fortes de leurs expériences en Tunisie, en France ou encore à l’international. L’expertise d’opérateurs culturels français vient parfois compléter ce dispositif en fonction des besoins, via le ministère de la Culture français et sa mission d’expertise culturelle internationale dirigée par Agnès Saal.

Pour l’équipe, l’objectif principal est d’accompagner les partenaires tunisiens du projet à concrétiser au mieux leur stratégie patrimoniale. « Notre appui se concentre sur le cadre règlementaire, l’accompagnement technique, des travaux en maitrise d’ouvrage déléguée. Nous n’intervenons pas sur la définition de la programmation culturelle tunisienne », souligne Pauline Lecointe, qui ajoute que les partenaires du projet sont particulièrement attachés à la question des publics en vue de capter l’attention des plus jeunes, et, pourquoi pas, de créer des vocations…

 

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