Renforcer les capacités des organisations de la société civile libanaise

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Liban
#EF10 | Expertise France travaille depuis de nombreuses années avec des partenaires libanais. Face à l’instabilité récente du pays due aux crises politiques et économiques aggravées par l’instabilité régionale, la présence de plus d’un million de réfugiés syriens, les explosions de 2020 qui ont frappé le port de Beyrouth et la guerre qui sévit à Gaza, le soutien est constant et plus que jamais indispensable. Dans cet entretien, Eva Homsi, directrice de programme de l'ONG SHEILD revient sur le soutien apporté dans le cadre du programme Shabake financé par l'AFD et le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Le premier projet Shabake (« réseau », en arabe), débuté en 2019, consistait à renforcer les capacités des OSC afin de répondre aux crises en général, et plus particulièrement à la crise des réfugiés syriens qui a eu un profond impact humanitaire et socio-économique sur le pays. S’appuyant sur le concept de stabilisation et de résilience du premier Shabake, Shabake 2, qui a débuté en 2022 et se poursuivra jusqu’en 2025, travaille avec les OSC au Liban pour mettre en oeuvre des projets de réduction des vulnérabilités, renforcer la localisation de l’aide au bénéfice des populations  vulnérables, et répondre efficacement aux situations d’urgence et aux crises en cours au Liban.

Shabake 2 est mis en oeuvre par Expertise France et financé par l’Agence française de développement (AFD) et le Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Trente-huit OSC sont partenaires du projet Shabake 2, dont l’organisation de développement humain durable Akkarouna à  Tripoli, dans le nord du Liban, Sawa for Development and Aid dans la plaine de la Bekaa, et l’association SHEILD dans le sud du Liban. SHEILD a été fondée il y a dix-huit ans pour aider les personnes vulnérables dans le Sud. Elle dispose d’une unité d’intervention rapide et de réponse aux crises qui a été particulièrement active depuis l’escalade de la violence le long de la frontière sud du Liban avec Israël depuis le 7 octobre 2023.
Le nombre de victimes civiles a augmenté en raison des frappes aériennes israéliennes, de l’endommagement des systèmes d’approvisionnement en eau ainsi que des installations de soins de santé. Les services de base sont extrêmement limités, les écoles ne sont ouvertes que par intermittence et le nombre de personnes déplacées au sein du pays ne cesse d’augmenter. En outre, de nombreux habitants du Sud vivent de l’agriculture, et les agriculteurs ne peuvent pas accéder à leurs champs ou récolter leurs cultures à cause des bombardements.

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Eva Homsi vit à Marjayoun, à dix kilomètres de la frontière israélienne. Elle dirige le programme de protection SHEILD qui se concentre sur les zones d’intervention suivantes : Saïda, Jezzine, Zahrani, Tyr, Nabatieh, Bint-Jbeil, Hasbaya et Marjayoun.
Le projet Shabake 2 a débuté sa collaboration avec SHEILD en décembre 2023, en les aidant à mettre en place cinq cliniques mobiles dirigées par des travailleurs sociaux qui gèrent des groupes de soutien psychosocial pour les familles locales et déplacées, avec une attention particulière portée aux enfants.
Depuis le début du mois d’octobre, 30 000 enfants ont fui le sud du Liban avec leur famille et on estime que 20 000 enfants ont été privés d’enseignement. 
Étant donné que le Sud est en situation d’urgence, l’un de ses principaux défis consiste à veiller à la sécurité de son personnel, souligne-t-elle, faisant référence aux frappes israéliennes quasi quotidiennes. Elle échange continuellement avec les différentes municipalités afin de « s’efforcer de prendre des risques calculés en ce qui concerne les bombardements, même s’il est impossible de garantir une quelconque sécurité ». 

Les défis sont multiples et concernent notamment « un énorme manque de services de santé mentale ». « Les déplacés ont besoin de suivre une thérapie réelle et approfondie, et ce, pendant plus de trois mois. »

La plupart du temps, dit-elle, les ONG distribuent des objets physiques, comme des matelas, des oreillers ou des couvertures, mais les populations ont aussi besoin de soins de santé et n’ont pas les moyens d’y accéder. Seules deux ou trois organisations implantées dans le Sud fournissent des services de santé.
Eva Homsi se souvient d’un enfant diabétique qui a été déplacé avec sa famille de sa maison située à Bint-Jbeil. « Ils avaient l’habitude de recevoir les médicaments de l’enfant gratuitement, mais maintenant qu’ils vivent à Nabatieh, ils ne parviennent pas à trouver ses médicaments. Sa mère a commencé à avoir des crises d’angoisse parce qu’elle n’arrivait pas à trouver de médicaments pour son enfant et tous les membres de la famille étaient bouleversés. » Heureusement, cette histoire a connu une fin heureuse temporaire. Eva Homsi a trouvé un médecin à Nabatieh qui a suivi le cas du garçon auprès du ministère de la Santé et lui a fourni des médicaments pour les six mois à venir. « Cette initiative s’est bien terminée et a eu un impact positif, mais les difficultés sont indépendantes de la volonté de chacun. » 

D’après les enseignements qu’elle a tirés du projet Shabake 2, Eva Homsi estime qu’il serait constructif, à l’avenir, d’examiner les situations à haut risque qui nécessiteraient la création d’un budget d’urgence flexible. Venir en aide à des familles en situation d’urgence engendre des coûts inattendus et il est indispensable de faire preuve de flexibilité en pareils cas. 

La coordination et la communication directe au sein de Shabake 2 ont été très fructueuses, souligne-t-elle. Lorsqu’on travaille dans des situations d’urgence, « il est très utile de bénéficier d’un système de soutien ». L’équipe de Shabake 2 « ne demandait pas seulement des objectifs et des résultats, elle s’inquiétait aussi de savoir si nous étions en sécurité, et parfois il nous arrivait de rester au téléphone ensemble jusqu’à 23 heures ».

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