[INTERVIEW] Algérie : le premier Plan National Autisme
Le Pr. Idris Terranti est pédopsychiatre et professeur à la faculté de Médecine de Constantine. Expert national de l’autisme, il fait partie de l’équipe qui a mené et coordonné la réflexion sur le contenu de la première stratégie nationale autisme de l’Algérie.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi l’autisme est une problématique majeure de santé publique en Algérie ?
Pr. Terranti : En Algérie, l’autisme est un problème de santé publique majeur d’abord pour des raisons épidémiologiques. La prévalence moyenne dans le monde est de 1% de la population, ce qui permet d’estimer pour l’Algérie plus de 400 000 personnes avec autisme. De plus, et au-delà de la tendance mondiale haussière de ce taux, la structure démographique du pays prédispose à l’augmentation rapide du nombre de cas. Une autre raison réside dans le fait que l’absence de prise en charge entraine le développement de handicaps et de maladies neuropsychiatriques qui peuvent être très lourds pour les personnes avec autisme, leurs familles et la communauté. Et malheureusement la majorité des personnes avec autisme dans le pays ne reçoit pas encore les soins et services appropriés. Les interventions pour les accompagner sont complexes, multidisciplinaires, et durables, et nécessitent la collaboration de plusieurs institutions. Cela implique des stratégies nationales portées par les institutions publiques. C’est ce à quoi répond le Plan National Autisme de l’Algérie.
Quel a été le processus d’élaboration de ce premier Plan National Autisme réalisé dans le cadre du projet Autisme PROFAS C+ ?
Cela a commencé par un travail d’évaluation sur le terrain effectué en 2020 et en 2022 par deux experts internationaux d’Expertise France, Saïd Acef et Ghislain Magerotte, appuyés par des professionnels Algériens. Les conclusions ont été présentées et débattues lors de plusieurs ateliers multidisciplinaires, dont le dernier a été organisé les 28 et 29 mai 2023 avec l’appui d’Alaa Redissi, expert en stratégie de santé d’Expertise France. La mise en forme des résultats de cet atelier constitue le projet de Plan National Autisme 2024-2028. Il contient pour la première fois et de façon multisectorielle la formulation cohérente des besoins des personnes avec autisme et de leurs familles, les axes stratégiques et actions prioritaires à réaliser en tenant compte du contexte national, et les moyens et dispositifs à mettre en œuvre pour améliorer constamment leur situation.
Comment avez-vous structuré le Plan National Autisme et quels en sont les axes ?
Le plan est structuré en deux parties. La première partie contient trois piliers transversaux et fondamentaux qui vont garantir la mise en œuvre du plan. Le premier est la mise en place d’une instance de gouvernance du plan, chargée de coordonner et piloter la réalisation du plan. Le deuxième est la mise à disposition de ressources et moyens financiers dédiés au plan. Et le troisième consiste à mettre en place un dispositif de suivi et d’évaluation. La deuxième partie du plan est constituée de quatre axes stratégiques qui couvrent l’ensemble des besoins des personnes avec autisme. Ils comportent chacun plusieurs mesures prioritaires et sous-mesures. Le premier axe vise à renforcer la prise en charge et à mieux garantir le parcours global des enfants et adultes avec autisme. Le deuxième prévoit de mieux garantir la qualité des interventions par la formation des professionnels. Le troisième se concentre sur l’élaboration d’un plan de communication et d’information sur l’autisme. Et le quatrième axe est dédié au soutien au quotidien des familles et à la reconnaissance de leur l’expertise.
Quelles sont les prochaines étapes à franchir en vue de la mise en œuvre de ce premier plan ?
Deux étapes majeures sont attendues. La première consiste à présenter le projet au Gouvernement en vue de son adoption. La deuxième sera la réalisation d’une feuille de route pour la mise en œuvre des différentes dispositions. L’adoption du plan par le Gouvernement, la mise en place d’une instance de gouvernance intersectorielle et la mobilisation des ressources nécessaires sont pour moi des signaux très forts de l’engagement des institutions de l’État et, par conséquent, un gage de mise en œuvre et de réussite du plan.
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