EUROsociAL+ en Colombie : un travail pilote pour favoriser l’accès des femmes rurales à la justice et à la terre
En Colombie, les femmes rurales représentent environ 10 % de la population totale du pays et 47 % de la population rurale, selon le dernier recensement. Impliquées dans la vie des communautés rurales, elles contribuent à la culture des terres et, plus généralement, au développement agricole. Pourtant, leur travail est souvent invisible : il arrive par exemple que le salaire lié au travail qu’elles effectuent ne soit pas décompté des bénéfices tirés d’une parcelle. Cela est notamment lié au fait que les modes de propriété et de production en milieu rural – dispositions légales, pratiques communautaires et modèles familiaux – ne reconnaissent que rarement leurs droits sur la terre : c’est l’homme, la plupart du temps, qui est propriétaire et qui prend les décisions en ce qui concerne les parcelles. Dans ce contexte, elles rencontrent des obstacles pour accéder à la justice et donc pour faire respecter leurs droits en matière de production et de propriété agricoles.
Pas de paix sans justice agraire
Sollicité par les autorités colombiennes, l’appui apporté par le programme EUROsociAL+ a donc pour objectif de favoriser une meilleure reconnaissance du rôle des femmes rurales et leur implication dans les décisions liées à la propriété et à la production agricoles. Plus spécifiquement, le programme accompagne le ministère de la Justice et du Droit de Colombie dans la mise en place d'un mécanisme qui garantisse un meilleur accès à la justice pour ces femmes vivant en milieu rural, afin qu’elles soient en mesure de faire reconnaître leurs droits sur la terre.
Cette activité s’inscrit dans le cadre de l’accord de paix conclu entre le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en novembre 2016, qui prévoit une « réforme rurale intégrale ». L’objectif de cette réforme est de démocratiser l’accès à la terre des paysans et notamment des paysannes sans terre, notamment dans les zones affectées par la pauvreté et le conflit. Elle a pour particularité d’intégrer la question du genre dans les réflexions sur la justice agraire.
Créer un mécanisme d’accès effectif à la justice et à la terre
EUROsociAL+ accompagne ce processus par le biais d’une assistance technique en trois phases (2018-2020). La première phase a permis de formuler, de façon participative, un diagnostic de la situation en matière d’accès à la justice et à la terre des femmes en Colombie. Deux types d’obstacles ont été identifiés :
• Ceux qui découlent du fonctionnement des institutions publiques, qui n’informent pas correctement les femmes de leurs droits ou qui n’appliquent pas les règles existantes (par exemple celle sur la double signature, qui permet de mettre une propriété au nom de deux membres de la famille, et pas seulement à celui du chef de famille) ;
• Ceux qui résultent de facteurs socio-culturels et du contexte politique (manque d’éducation, non-reconnaissance de l’économie du care ou des contributions spécifiques des femmes, discriminations en matière d’héritage, pertes de terres liés à des déplacements forcés, conflit armé, violence sociale et familiale).
Suite à la formulation du diagnostic, un mécanisme a été proposé pour le renforcement de capacités des institutions et des femmes rurales.
La phase 2, actuellement en cours, vise à mettre en œuvre les propositions établies dans le diagnostic et à faire connaître le mécanisme mentionné au niveau national et territorial, en prenant comme zone pilote la municipalité de Planadas-Tolima, dans l’est du pays.
Planadas-Tolima, municipalité pilote
Ce projet pilote propose des réponses aux obstacles institutionnels et socio-culturels rencontrés par les femmes rurales en matière d’accès à la justice, à la terre et à d’autres droits connexes. Les réponses proposées s’articulent autour de deux axes :
• D’un côté, renforcer les acteurs institutionnels à travers la formation des agents en charge de rendre la justice, pour qu’ils intègrent la perspective du genre dans leurs décisions. Cet axe s’appuie notamment sur la formulation et la diffusion d’un protocole permettant la prise en charge des femmes rurales pour la résolution de conflits de justice liés à l’accès à la terre.
• De l’autre, développer et renforcer le rôle des organisations de femmes rurales comme canaux tant pour conseiller que pour diffuser de l’information en matière de droits, notamment sur les nouveaux processus d’attribution, de légalisation ou de restitution de terres à des femmes déplacées (définition de contenus de formation pour les organisations de femmes, stratégie pédagogique pour la diffusion des droits des femmes rurales, guide d’accès à la justice pour les femmes rurales, boîte à outils, formation de formatrices…).
Les outils mentionnés sont conçus et rédigés par une équipe composée d’une experte locale, familière de la réalité sociale et culturelle du pays et chargée d’intégrer la perspective de genre dans les activités, et une experte européenne, expérimentée dans le domaine de l’accès à la justice de groupes vulnérables. Leurs regards croisés et complémentaires ont été un facteur de succès de cette activité intersectorielle partagée entre la composante « Genre » et la composante « Gouvernance » d’EUROsociAL+, mises en oeuvre respectivement par Expertise France et par la FIIAPP.
La phase 3 de l’action sera consacrée à l’évaluation du projet pilote et à l’élaboration d’un mécanisme prenant en compte les leçons tirées de cette phase expérimentale.
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