Chili : placer la cohésion sociale et l'égalité femmes-hommes au cœur de la future constitution
Le 25 octobre 2020, après un an de contestations sociales et politiques au Chili, une écrasante majorité (78%) des citoyens et citoyennes chiliens ont décidé d’octroyer au pays une nouvelle Constitution. Celle-ci remplacera l’actuelle loi fondamentale adoptée sous Augusto Pinochet (1973-1990). Ce vaste chantier démocratique qui s'ouvre est aussi l’occasion de mener à bien un processus modèle qui pourrait devenir une référence internationale.
Dans ce contexte, Expertise France – à travers la composante Politiques d’égalité des genres du programme EUROsociAL+ financé par l’Union européenne – accompagnera le processus constituant chilien à travers le développement d’activités spécifiques avec les institutions nationales et le milieu académique du pays.
« Dialogues Chili-UE » : échanger les expériences de part et d’autres de l’Atlantique
Un cycle de débats « Dialogues Chili-UE » a déjà été lancé par l'intermédiaire de la Bibliothèque du Congrès national chilien et de la délégation de l'Union européenne au Chili. Cette série s’inscrit au cœur de l’initiative « Forum Chili-Union européenne », dont l’objectif est de faciliter les échanges d’expériences de part et d’autre de l’Atlantique sur les processus constitutionnels et sur les éléments communs aux constitutions des États membres de l'Union européenne, notamment en matière de cohésion sociale, d'accès à un système de protection sociale et la mise en place un modèle de développement durable.
Expertise France, par le biais d’EUROsociAL+, participera également à l’organisation de conférences sur le genre, de mini-cours sur le processus constituant et la mise en place d’un système d’accompagnement pour les femmes candidates à la Convention constituante.
La cohésion sociale comme pierre angulaire de la nouvelle Magna Carta chilienne
Les webinaires « Dialogues Chili-UE », structurés autour de six tables rondes, inaugurent la feuille de route d’accompagnement d’EUROsociAL+ au processus constituant chilien. L'objectif des débats est d'identifier les questions cruciales auxquelles tout processus constituant doit faire face aujourd'hui et de traiter les questions centrales dans le débat public au Chili.
Lors de la cérémonie d’ouverture du cycle de webinaires, les intervenants – dont Adriana Muñoz, présidente du Sénat du Chili ; León de la Torre Krais, ambassadeur de l’UE au Chili ou encore Diego Paulsen, président de la Chambre des députés du Chili – ont précisé les jalons essentiels qui constitueront les prochaines étapes du processus constituant :
• l’élection d’une Convention constitutionnelle (1);
• la rédaction du nouveau texte (2) ;
• et enfin l’approbation ou le rejet de la nouvelle loi fondamentale par référendum (3).
L’un des défis majeurs identifié a été la nécessité de renforcer la cohésion sociale dans le nouveau texte. A ce titre, Joseph Borrell, en tant que Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a remarqué que « nous avons tous [Etats membres de l'Union européenne] un solide dénominateur commun : nous disposons d’un modèle socio-économique qui assure une grande cohésion sociale (...) Nous aimerions collaborer dans ces espaces de dialogue pour redéfinir le modèle [chilien] actuel sur la base de la riche expérience de notre Union européenne ».
La première table ronde, qui s’est tenue le 21 janvier 2021, s’est concentrée sur le processus constituant, les principes démocratiques, la participation citoyenne et la parité politique. Lors de cette session, la sénatrice Isabel Allende a souligné que « la nouvelle Constitution devra nécessairement adopter une perspective de genre et s’orienter vers une démocratie paritaire ». Elle a immédiatement ajouté que « la Convention présente déjà cette caractéristique » et que « les inégalités de genre (…) sont issues d’une construction culturelle arbitraire qui doit être modifiée ».
Cinq autres tables rondes seront organisées : la deuxième évoquera les modèles de protection sociale, l'un des axes centraux de l'ensemble du processus. La troisième fera référence au développement économique, environnemental et technologique et à la soutenabilité. La suivante portera sur l'ordre institutionnel et les formes de l'État et du gouvernement. Le cinquième débat sera axé sur le genre, en tant que thématique transversale. Enfin, la dernière table ronde évoquera les libertés fondamentales, qui sont l'essence même de toute Constitution.
Lors de ces différents débats, de nombreux exemples européens seront présentés, qu’ils soient fructueux ou au contraire moins réussis. L'objectif final est de fournir des modèles, des idées, des arguments et des expériences européennes pouvant être utiles et valables dans le cas chilien, dont la Constitution sera « inédite, de par son caractère citoyen, paritaire et inclusif » – pour reprendre les termes utilisés par la présidente du Sénat chilien, Adriana Muñoz, lors de la cérémonie d’ouverture du cycle de séminaire.
Vers la mise en place d’une Assemblée constituante paritaire et inclusive
Le texte de la nouvelle constitution chilienne sera rédigé par une Convention constitutionnelle, c’est-à-dire une Assemblée dont les membres seront intégralement élus par le peuple le 11 avril 2021. En mai 2021 commencera l’étape suivante, celle du début des travaux de la Convention constitutionnelle. Elle s’étalera sur une période initiale de neuf mois, avec une prolongation si nécessaire pour un maximum de douze mois.
La Convention sera composée par des peuples autochtones et sera nécessairement paritaire, démontrant ainsi l’importance que le Chili attache à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle aura la tâche de traduire en actes les espoirs de changement notamment portés par les mouvements féministes et syndicalistes chiliens. A ce titre, le Haut représentant pour les affaires étrangères de l'Union européenne, Josep Borell, a rappelé lors de la cérémonie d’ouverture de ce cycle de conférences, que l'Union « collaborera à la création de vastes espaces de dialogue dans le cadre de ce processus qui […] aboutira à une nouvelle Constitution qui sera le fruit d’un large consensus politique, économique, intergénérationnel et territorial ».
EUROsociAL+ mobilisé aux côtés du Chili
Le ministère de la Femme et de l’Egalité des genres et certaines universités du Chili ont sollicité le soutien du programme EUROsociAL+ pour mieux intégrer les questions de genre de manière transversale dans le processus de création de la nouvelle constitution chilienne.
D’une part, le ministère prévoit d'organiser des réunions de concertation en mars prochain avec les femmes candidates à l’Assemblée constituante. A cette occasion EUROsociAL+ mobilisera des experts européens et/ou latino-américains afin de partager des expériences et des réflexions qui peuvent contribuer efficacement à l'intégration de l'approche de genre dans la future constitution.
D’autre part, EUROsociAL+, en partenariat avec une série d’universités chiliennes, contribuera à l’organisation de débats qui prendront la forme de neuf mini-cours. L’objectif ? Promouvoir un débat informé entre les citoyens sur des sujets liés au processus constituant : l’éducation, la santé, l’emploi, l’aménagement du territoire, la décentralisation, le régime politique, la gestion des ressources en eau et le genre.
En savoir plus
• Cérémonie d’ouverture du cycle « Dialogues UE-Chili »
• Vidéo de la première table ronde sur le processus constituant : « Les principes démocratiques, la participation citoyenne et la parité politique »
• Programme de la première table ronde
• Note conceptuelle de la première table ronde
EUROsociAL+ est un programme de coopération entre l’Union européenne et l’Amérique latine qui vise à réduire les inégalités, améliorer les niveaux de cohésion sociale et renforcer les institutions dans 18 pays latino-américains, en soutenant leurs processus de conception, réforme et mise en œuvre de politiques publiques, les actions du programme se concentrant principalement sur les domaines de l’égalité entre les sexes, la gouvernance et les politiques sociales. Financé par l'Union européenne, le programme EUROsociAL+ est mis en oeuvre par un consortium dirigé par la FIIAPP (Espagne), qui réunit Expertise France, l'Organisation internationale italo-latino-américaine (IILA) et le Secrétariat centraméricain pour l'intégration sociale (SISCA).