Lutte contre le paludisme : face au changement climatique, anticiper pour mieux agir
Dans cette interview, Eric Fleutelot, directeur technique du pôle Grandes pandémies chez Expertise France, apporte un éclairage sur la manière dont L’Initiative aborde la question du changement climatique et son engagement envers l'approche "Une seule santé".
Quel est le lien entre changement climatique et pandémies ?
Le lien entre changement climatique et pandémies est avéré et multifactoriel. D’une part, les températures plus chaudes, une évolution du taux d’humidité et les conditions météorologiques extrêmes créent des environnements favorables à la reproduction des vecteurs de maladies telles que les moustiques porteurs de la dengue, du paludisme et du virus Zika. Les modifications climatiques peuvent également étendre les zones géographiques dans lesquelles les maladies infectieuses peuvent se propager, affectant potentiellement des populations qui étaient auparavant peu exposées. D’autre part les événements météorologiques extrêmes ou inconnus jusqu’alors dans certaines géographies peuvent détruire les infrastructures sanitaires et les systèmes d'approvisionnement en eau potable, exposant les populations à un risque accru de maladies transmissibles. A cela s’ajoute le fait que ces populations peuvent être amenées à se déplacer, à fuir leurs lieux d’habitation, pour survivre, et donc se retrouver confrontées à de nouveaux risques, en particulier dû à leur appauvrissement, leur précarité et aussi à la promiscuité. Cette dernière, on le sait, favorise aussi la propagation des maladies, tels que la tuberculose.
Comment L’Initiative intègre-t-elle la question du changement climatique ?
L’Initiative est bien entendu engagée pour faire face à ces nouveaux défis. Par exemple en aidant les pays à mieux assurer la surveillance des vecteurs, notamment pour anticiper l’impact de l’arrivée de nouvelles espèces de moustiques (comme l’anophèle Stephensi, en provenance de la péninsule arabique), résistants aux insecticides et plus adaptés aux habitats urbains. Récemment, nous avons déployé une assistance technique auprès du PNLP de Djibouti pour renforcer les capacités de séquençage du laboratoire national de référence, afin de permettre désormais une surveillance régulière du Plasmodium falciparum dans un pays qui est la porte d’entrée de Stephensi. De plus, L’Initiative a décidé de s’engager dans le renforcement des capacités des entomologistes d’Afrique centrale et de l’Est, régions particulièrement exposées au changement climatique. Une formation est prévue qui devrait permettre un enseignement de qualité intégrant les enjeux du changement climatique et la création d’un réseau d’échange régional.
Quel est l’engagement de L’Initiative dans l’approche One Health ?
Les acteurs engagés dans la lutte contre le paludisme font du One Health depuis longtemps, et L’Initiative est évidemment à leurs côtés ! A l’heure actuelle, si on ne considère que le portefeuille de recherche opérationnelle, nous soutenons 6 projets en Afrique sub-saharienne sur différents aspects du paludisme, intégrant des stratégies préventives et de prise en charge auprès notamment des groupes les plus vulnérables, mais aussi des analyses entomologiques pour affiner la surveillance du parasite. Par ailleurs, nous recevons les premières demandes d’assistance technique avec une ambition One Health au-delà du paludisme. Ainsi, la République dominicaine envisage, avec le soutien de L’Initiative, de développer une stratégie de santé publique qui tienne compte des aspects environnementaux, de la santé animale et de la santé humaine.