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Avec l’IRIS, une conférence pour renouveler les fondements de la coopération internationale
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Dans un contexte mondial de recompositions géopolitiques et de fragilisation du multilatéralisme, Expertise France et l’IRIS ont organisé une conférence-débat pour présenter le livre blanc “10 propositions pour le futur de la coopération internationale” co-rédigé ensemble. À travers une série d’échanges, l’événement a permis de mettre en lumière les conditions d’une refondation crédible et assumée de la coopération.
La conférence organisée à l’IRIS le 24 juin dernier, intitulée « Face à la remise en cause du multilatéralisme, quelles alternatives pour une coopération mondiale équilibrée ? » visait à présenter le livre blanc et à élargir le débat sur certaines thématiques comme le climat, et les droits des femmes, dans une volonté partagée de renouveler les paradigmes de la coopération en articulant réflexions stratégiques et réalités opérationnelles au regard d’un contexte géopolitique instable.
Pour rappel, ce livre blanc, fruit d’un travail collectif entre experts praticiens et chercheurs, interroge les modèles existants et appelle à bâtir une coopération plus équilibrée, inclusive et adaptée aux trajectoires nationales au service d’une politique publique lisible, efficace et souveraine.
Une réflexion globale sur le dialogue et le positionnement entre acteurs historiques de la coopération et partenaires bénéficiaires
Pour Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, il s’agit avant tout de rompre avec le déni face aux bouleversements mondiaux. Le partenariat entre l’IRIS et Expertise France est l'expression d’un dépassement des cloisonnements entre action publique et recherche stratégique. Il insiste sur la nécessité d’une coopération fondée sur des intérêts assumés et complémentaires, afin d’éviter que d’autres puissances moins soucieuses du droit international ne s’engouffrent dans les failles du multilatéralisme.
Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France, souligne quant à lui l’importance croissante du lien entre recherche et action, pour donner de la profondeur à la coopération. Il défend une approche renouvelée des vocabulaires : « parler encore de “pays en développement” pose problème », dit-il, en rappelant qu’Expertise France coopère également avec des pays dits développés comme l’Australie ou le Japon. Pour lui, coopérer est dans l’intérêt de tous, mais encore faut-il l’assumer clairement dans les discours et les méthodes.
S’adapter aux nouveaux paradigmes pour une coopération plus à l’écoute et efficace : penser les partenariats au-delà de l’héritage historique
L’analyse des dynamiques BRICS+, largement développée dans le livre blanc, permet de comprendre pourquoi des États comme le Brésil ou l’Inde revendiquent des positions autonomes, souvent dans une logique de multi-alignement. El Hadj Souleymane Gassama, journaliste, écrivain et docteur en sociologie, a précisé lors de la table ronde que cette désoccidentalisation ne devait pas être lue comme un rejet dogmatique de l’Europe, mais bien comme une quête de rééquilibrage des rapports de force. Il invite à une lecture plus nuancée des repositionnements géopolitiques : la Russie n’est par exemple pas un acteur nouveau en Afrique ; elle prolonge une histoire de coopération datant de l’ère soviétique. Toutefois, il rappelle que les imaginaires restent marqués par le colonialisme, et que la défiance vis-à-vis des initiatives occidentales, même renouvelées, persiste. Le concept même de « Sud global » pose question, utilisé à des fins géopolitiques sans fondement structurel.
Diplomatie féministe, climat, société civile : des priorités d’action ancrées dans les territoires
L’un des enseignements de ces riches débats est l’importance de la logique de coopération « par le bas », portée par des acteurs de la société civile et des administrations déconcentrées. La diplomatie féministe, soutenue par Marie Soulié, cheffe de la mission « diplomatie féministe » au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, initiée en France en 2019, et expliquée à travers les trois axes d’action — droits, représentation, accès aux ressources — trouve un écho direct dans la vision qui promeut une approche structurelle et partenariale, « fondée sur l’écoute des besoins et la reconnaissance de la réciprocité dans les engagements »
De son côté, Guillaume Tauveron, directeur du développement de l’ONG Planète Urgence, a insisté sur l’enjeu d’une approche systémique du territoire, en soulignant que les hotspots de biodiversité se trouvent pour la plupart dans les pays du Sud. Cette idée fait d’ailleurs partie intégrante du livre blanc, qui appelle à dépasser les logiques bilatérales classiques pour faire émerger des solutions partagées, intégrant les communautés locales comme co-constructeurs, et non comme bénéficiaires passifs. Il met en garde contre des interventions sans concertation, qui peuvent alimenter une défiance durable. Pour lui, la coopération doit se traduire par un renforcement de capacités, pas par une substitution.
Vers une grammaire nouvelle de la solidarité internationale
Les discussions ont également porté sur les imaginaires de la coopération. El Hadj Souleymane Gassama a dénoncé l’idée, encore tenace, que les pays occidentaux détiennent seuls le savoir-faire et la légitimité du développement.
Hakim Ben Hammouda, directeur du think tank tunisien Global Institute 4 Transitions, a insisté sur la nécessité de remettre à plat la question du financement des programmes nationaux de développement social, notamment pour les pays africains confrontés à une convergence de chocs (Covid, inflation, guerre en Ukraine, hausse des taux d’intérêt). Cette approche se conjugue avec les réflexions du livre blanc sur la transformation des modes de financement de la coopération, qui doivent intégrer davantage les asymétries structurelles des pays partenaires.
Cette conférence a mis en lumière la nécessité d’une réforme conceptuelle, politique et méthodologique de la coopération internationale. Si la volonté de rééquilibrer les relations existe, elle doit se traduire par des changements concrets dans la manière dont les projets sont conçus, financés et mis en œuvre afin d’assumer les intérêts communs dans une logique de complémentarité, et en s’émancipant d’un discours purement moral ou désintéressé.
Mais aussi s’ancrer dans les réalités locales en respectant les dynamiques existantes, en évitant tout néo-paternalisme, et en mobilisant les savoirs académiques pour enrichir les diagnostics et orienter les politiques publiques sur des bases solides.
Nous avons décidé de saisir ce moment pour poser un nouveau regard sur nos métiers, prendre de la hauteur et enrichir nos pratiques, en organisant un dialogue avec les chercheurs spécialistes de nos domaines d’intervention et des zones géographiques prioritaires de nos actions […] offrant une alternative à notre propre vision opérationnelle
- Directeur général d'Expertise France

Depuis sa création, c’est une des préoccupations constantes de l’IRIS de lier le travail d’analyse et de décryptage des relations internationales de ses chercheurs et de ses cartographes avec des partenaires qui impulsent au quotidien des initiatives et des projets opérationnels
- Directeur de l'IRIS

Livre blanc Expertise France IRIS
Venez lire l'intégralité de l'ouvrage co-rédigé avec l'IRIS, intitulé "10 propositions pour le futur de la coopération internationale"
https://livreblanc-expertisefrance.fr/