L’innovation, moteur de changement pour favoriser l’égalité femmes-hommes

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« Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement » : la journée internationale pour les droits des femmes donne cette année une place centrale à l’innovation comme moyen de favoriser l’égalité femmes-hommes.

Hélène Molinier (@HeleneMolinier ), experte technique internationale Expertise France, sur financement du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, occupe le poste de conseillère politique senior auprès d’ONU Femmes à New York au sein de l’Unité pour l’Innovation. Elle nous apporte son éclairage sur les façons de garantir que l’innovation et la technologie fassent avancer l’égalité femmes-hommes et l’autonomisation des femmes et des filles.

A quelles conditions la technologie peut-elle favoriser l’égalité femmes-hommes ?

Hélène Molinier : ONU Femmes a identifié trois thématiques prioritaires. Il est tout d’abord important de réduire les inégalités d’accès aux professions liées à l’innovation. On trouve encore peu de femmes dans les filières STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) : à l’université, seules 3% des étudiantes sont diplômées en informatique. Cela peut s’expliquer par moins d’accès aux technologies : en Afrique, les femmes ont 25% moins d’accès à Internet que les hommes. A cela s’ajoutent des stéréotypes persistants : que les garçons sont plus doués en maths, que certains métiers sont faits pour les hommes… En l’absence de modèles féminins travaillant dans les technologies autour d’elles, il est donc plus dur pour les jeunes femmes de se projeter dans ce type de carrière – ce qui doit au contraire être encouragé.

Il s’agit ensuite de faire en sorte que toutes les innovations prennent en compte les besoins des femmes. Par exemple, beaucoup d’applications « santé » ont été développées sans mode maternité ou d’option permettant de suivre le cycle des règles. Certaines technologies peuvent même contribuer à perpétuer les discriminations. En 2017, Amazon a abandonné son logiciel de tri automatique des CV après s’être rendu compte que ce dernier notait mal les CV féminins pour des postes techniques – parce que l’intelligence artificielle avait « déduit » de l’historique des recrutements (essentiellement masculins) que recruter des hommes était préférable. Quand les algorithmes sont fondés sur des données issues d’une société inégalitaire, les analyses peuvent être biaisées et il faut en tenir compte.

Enfin, les innovations doivent répondre aux besoins de toutes les femmes, pas seulement de celles des pays développés. Les projets qui misent sur les téléphones sont intéressants de ce point de vue-là : on peut mettre en place des solutions pour des populations qui n’ont pas accès aux services publics, aux produits bancaires… Un téléphone permet par exemple d’avoir des informations sur la santé reproductive, peu disponibles dans certaines communautés. ONU Femmes est également en train de tester l’utilisation de la technologie blockchain pour effectuer des transferts monétaires aux  femmes syriennes réfugiées en Jordanie qui bénéficient de son programme « travail contre rémunération ». C’est donc un outil qui peut changer la donne. Mais ces nouvelles opportunités suscitent parfois des réactions négatives chez ceux estimant que les femmes ne devraient pas s’autonomiser. C’est toute la complexité de notre travail : comment offrir de nouvelles opportunités sans créer plus de risques.

Comment l’unité Innovation d’ONU Femmes contribue-t-elle à mieux intégrer la prise en compte du genre dans l’innovation ?

Hélène Molinier : En plus de notre travail de sensibilisation et de plaidoyer, nous apportons un appui technique aux projets d’ONU Femmes qui souhaitent utiliser des nouvelles technologies : trouver des idées, intégrer ces technologies dans les projets, identifier des partenaires de mise en œuvre…

Faire le lien entre les équipes qui développent le programme (souvent issues des sciences sociales) et les équipes techniques est très important : il s’agit de les accompagner pour mieux « traduire » en langage technologique certains concepts, et faire prendre conscience des limites de la technologie. Celle-ci n’est qu’un outil, jamais une solution en soi : ce n’est pas en remplaçant le papier par un téléphone que tout change. Dans le cadre d’un projet avec les femmes agricultrices, une plateforme digitale a pu aider à connecter ces dernières aux producteurs, mais si les systèmes ne sont pas en place dans la vie réelle, ce n’est pas la technologie qui va les créer.

En quoi les partenariats avec le secteur privé sont-ils importants ?

Hélène Molinier : L’ONU ou les Etats ne pourront pas atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) seuls. Nous avons donc créé un partenariat pilote : la Coalition globale de l’innovation pour le changement (CGIC).

Cette coalition part du principe qu’il faut considérer le secteur privé comme un agent du changement. C’est une nouvelle forme de partenariat, qui ne se limite pas à demander un financement au secteur privé : il s’agit d’identifier ensemble les barrières pour les femmes dans l’innovation et les mesures que les entreprises peuvent prendre à leur niveau – plus de parité dans les équipes d’innovation ; plus de communication sur le sujet ; du mentorat pour les femmes travaillant dans le domaine ; et la définition de principes pour l’intégration du genre dans l’innovation pour aider les organisations à intégrer cette dimension dans leur cycle d’innovation, du design au déploiement.

Comment se positionne la France sur cette question ?

Hélène Molinier : La France, qui préside le G7 cette année, continue sur la lancée du Canada, en intégrant le genre dans toutes les discussions. Le Conseil consultatif sur l’égalité hommes-femmes contribue lui aussi à la visibilité de cette problématique.

A New York, le représentant permanent de la France soutient activement ces questions, tant sur les questions de développement que sur les sujets humanitaires. Par exemple, au Sahel, les programmes les plus innovants ne sont pas strictement sécuritaires : ce sont des programmes de développement (lutte contre la pauvreté, autonomisation économique, etc.), qui impliquent les femmes. Quand on améliore la vie des femmes, on contribue à bâtir une paix plus solide.

 

 

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Après la journée internationale pour les droits des femmes se tiendra la 63e session de la Commission sur la condition de la femme (CSW), du 11 au 22 mars, dont le thème prioritaire sera « Systèmes de protection sociale, accès aux services publics et infrastructures durables pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles ». Plus d'informations sur le site d'ONU Femmes.

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