Alternatives à la prison : une nécessité aujourd’hui et pour demain
Organisé par les programmes EL PAcCTO, EUROsociAL+ et COPOLAD II de l’Union européenne, le webinaire « Alternatives à la prison en temps de Covid-19 et défis futurs » a permis de souligner, au regard du contexte de pandémie de Covid-19, la nécessité d’alternatives à la prison pour garantir le respect des droits fondamentaux des personnes incarcérées, favoriser leur insertion et lutter de façon efficace contre le crime organisé.
Ces conclusions s’inscrivent dans la continuité de la Déclaration de Montevideo, signée en septembre 2019 par 150 représentants de plus d’une trentaine de pays d’Amérique latine, des Caraïbes et de l’Union européenne. Elle appelle en particulier à une utilisation plus systématique des mesures alternatives à la prison.
S’adapter à la crise de Covid-19 et à ses conséquences
« Cette pandémie est un tsunami sans précédent », a déclaré Jorge de la Caballería, chef d’unité de la Direction générale de la coopération internationale et du développement de la Commission européenne. Il a ajouté que la maladie à coronavirus avait bouleversé de nombreux paradigmes mais ne remettait nullement en question la pertinence des engagements de Montevideo : « Bien au contraire, elle les renforce. Elle a permis de d’encourager la mise en place de mesures alternatives pour faire face aux risques de contagion dans les établissements pénitentiaires ».
Jorge de la Caballería le reconnaît : « La crise post-Covid peut avoir des conséquences plus profondes, qui se traduiront par une augmentation de la criminalité et de la délinquance en général. C’est pourquoi il est important que tous les pays et institutions d’Amérique latine, des Caraïbes et de l’Union européenne soient préparés à instaurer un nouveau modèle d’exécution des peines, d’insertion des personnes dans la société et de lutte contre le crime organisé au sein des établissements pénitentiaires ».
« La volonté de partager les expériences entre l’Union européenne et l’Amérique latine a donné lieu à plusieurs actions concrètes, telles que la création du Canal COVID – un canal stratégique de communication dans le cadre du programme EL PAcCTO –, la réorientation de diverses actions du programme EUROsociAL+ – en particulier concernant les femmes en prison –, ou encore la systématisation de normes de qualité dans le traitement de la toxicomanie dans le contexte d’urgence (à travers le programme COPOLAD II) », a conclu Jorge de la Caballería.
A lire aussi : EL PAcCTO lance le Canal Covid pour échanger des informations entre l'Europe et l'Amérique latine
Renforcer la prévention pour limiter les incarcérations
Le webinaire a fait intervenir différents experts d’Europe, d’Amérique latine et des Caraïbes et suscité d’intéressants débats, alimentés par plus d’une soixantaine d’interventions.
Le secrétaire exécutif de la Commission interaméricaine de lutte contre l’abus des drogues de l’Organisation des États américains (OEA), Adam Namm, a notamment expliqué que « 80 % des adultes actuellement incarcérés ont été confrontés à la prison dès leur jeunesse. Il nous faut renforcer l’investissement dans des mesures préventives et dans des programmes ciblant les jeunes à risque, notamment dans les dispositifs dits de dissuasion ».
« Près de 3,5 millions de personnes sont actuellement incarcérées sur le continent sud-américain, dont un tiers pour des faits relatifs aux drogues, essentiellement l’usage ou le micro-trafic.Les coûts sociaux et économiques de cette situation sont considérables. Tout l’enjeu consiste à identifier les prisonniers ayant commis des délits sous l’influence de troubles provoqués par leur consommation de substances », a précisé Adam Namm.
Généraliser les mesures alternatives
« L’humanité a toujours su profiter des grandes crises pour progresser dans l’avancement des droits. Nous portons toutes et tous une grande responsabilité à cet égard et nous avons à relever un défi de taille : celui de bâtir un nouvel humanisme judiciaire et de contribuer à l’instauration d’une société plus juste, plus inclusive et donc plus sûre », a souligné Giovanni Tartaglia, coordinateur de la composante « Systèmes pénitentiaires » du programme EL PAcCTO.
« Nous avons la mission compliquée de réussir à intégrer des personnes que la société elle-même, de par son fonctionnement imparfait et inégal, a pu contribuer à mettre de côté. Pour les délits mineurs et les infractions les moins graves, les mesures alternatives ne doivent pas être l’exception, mais la règle », a conclu Giovanni Tartaglia.
Le webinaire a fait ressortir l’importance d’agir dès à présent, à trois niveaux :
1. Auprès de l’opinion publique, en expliquant que les mesures alternatives sont des peines à part entière. Moins coûteuses que la prison, efficaces, elles permettent de diminuer l’infiltration du crime organisé et de renforcer ainsi la cohésion et la sécurité au sein de la société. Les participants ont été encouragés à réfléchir aux mythes sur lesquels s’appuie le discours populiste punitif.
2. Auprès de tous les acteurs intervenant dans la chaîne pénitentiaire, y compris auprès des acteurs qui agissent en faveur de l’insertion sociale, en améliorant la coordination interinstitutionnelle et en déployant des initiatives de sensibilisation, des évolutions normatives ou des réformes de procédures, si nécessaire.
3. Au niveau international, en favorisant la sensibilisation et en facilitant l’échange de bonnes pratiques.
Poursuivre la coopération pour relever les défis de demain
Le webinaire s’est conclu par l’intervention d’Anna Terrón, directrice de la Fondation internationale et ibéro-américaine pour l’administration et les politiques publiques (FIIAPP), d’Hervé Conan, directeur général adjoint d’Expertise France et d’Antonella Cavallari, secrétaire générale de l’Organisation internationale italo-latino-américaine (IILA). Tous trois ont mis en avant l’engagement des trois agences européennes à poursuivre leur coopération dans ce domaine et dans d’autres domaines d’importance cruciale sur le plan de la coopération internationale.
Pour clore le séminaire, Marc Litvine, expert principal en chef des programmes régionaux pour l’Amérique latine et les Caraïbes de la Direction générale de la coopération internationale et du développement de la Commission européenne, a souligné que « les prisons sont un lieu particulier où de nombreuses personnes sont très vulnérables à la maladie », tout en rappelant que les efforts engagés ne devaient pas s’arrêter là et que le défi de demain relèverait de la collaboration entre toutes les institutions.
Ecouter le webinaire (en espagnol) :
|
En savoir plus sur ELPAcCTO : www.elpaccto.eu
En savoir plus sur COPOLAD II : copolad.eu
En savoir plus sur EUROsociAL+ : eurosocial.eu